Plusieurs bouquets de fleurs ainsi que des mots ont été accrochés aux grilles barrant l'accès au lieu du drame, survenu probablement après une fuite de gaz, vers 00H30, le 9 avril 2023, afin "de ne pas oublier" les victimes.
Difficile pourtant de faire abstraction de l'accident tant les stigmates sont évidents dans ce quartier vivant et familial. Outre les grilles qui en barrent l'accès en son centre, la rue de Tivoli présente une dent creuse aux 15 et 17, lieu des effondrements. Toujours en travaux, l'immeuble voisin du 19 est désormais sous bâche, soutenu par d'immenses étais en forme de zigzags positionnés sur le bâtiment d'en face, pour empêcher son effondrement soudain.
"Selon les experts, ces étais devraient être desserrés d'ici fin mai. Pendant un mois, ils vont ensuite vérifier si l'immeuble bouge", confie Laure Beccaria, 35 ans, une de ces quelque cent personnes encore délogées de 14 immeubles. Absente au moment de l'explosion, elle vivait dans l'appartement situé juste en face, dans lequel avait également vécu sa mère pendant 24 ans, bénéficiant par conséquence d'un loyer modéré.
"On aimerait avoir un logement social, cela nous permettrait de tourner enfin la page et de nous projeter dans le futur", explique la jeune femme, hébergée en appart'hôtel. Les frais sont avancés par la mairie de Marseille avant que le propriétaire de son logement, comme l'y oblige la loi, prenne le relais, via son assurance.
Mais celle-ci assumera-t-elle son rôle ? C'est là toute la difficulté des victimes et délogés du quartier --jusqu'à 364 ménages provenant de 43 immeubles au départ-- qui, en plus de se heurter à la lenteur des procédures, pâtissent du manque de coopération des assureurs.
"Les assurances refusent complètement de prendre leurs responsabilités. Elles subordonnent tout dialogue et prise en charge des dédommagements matériels à l'aboutissement de l'instruction pénale", accuse Clara Berroir, co-présidente du "Collectif Tivoli 9 avril" d'aide aux victimes des effondrements.
"Double peine"
Or l'instruction, ouverte par le parquet de Marseille dans le cadre d'une information judiciaire contre X pour "homicides et blessures involontaires", promet d'être longue. Un an après le drame, "58 parties civiles sont constituées" et seules 20 d'entre elles ont été auditionnées par le magistrat instructeur, a indiqué le parquet à l'AFP.
"On a la sensation de subir une double peine: on a vécu un accident dramatique, on a perdu des gens qu'on connaissait, et là on est dans un parcours du combattant où on subit encore", soupire Mme Berroir.
Au combat individuel, pour réintégrer son appartement ou se faire indemniser s'ajoute donc celui, "collectif, pour aboutir à un accord cadre qui permettrait un déblocage financier rapide sans attendre la fin du procès", explique Johanne Raimbault, également membre du collectif.
Celui-ci compte prochainement déposer une assignation en référé devant le tribunal judiciaire pour forcer les assurances à accepter un accord-cadre d'indemnisations, sur le modèle de celui signé après l'explosion de gaz rue de Trévise à Paris, qui avait fait quatre morts en 2019.
Ce fond d'indemnisation, pourvu à hauteur de 20 millions d'euros par la mairie de Paris, doit être abondé par les assureurs en amont de la procédure judiciaire, même si peu d'entre eux ont respecté leurs engagements.
Comme à Paris, les sinistrés de la rue de Tivoli sont soutenus par la municipalité. Le maire de Marseille, Benoît Payan (divers-gauche), a adressé le 19 mars une lettre au ministre de l'Economie exigeant "la mise en œuvre dune indemnisation collective rapide".
"Les réponses apportées par France assureurs en termes de garanties sont encore trop faibles pour accompagner les familles", précise-t-il, appelant à ce que "soit réunis dans les meilleurs délais un nouveau comité local d'aide aux victimes" auquel serait associées notamment les compagnies d'assurance.