"J'étais surpris, je me suis demandé pourquoi taper sur ce secteur: le Premier ministre parle sans savoir", s'agace auprès de l'AFP Philippe Salle, président de Foncia, l'un des principaux groupes français du secteur, quelques semaines après des critiques formulées par Edouard Philippe.
Début mars, ce dernier a particulièrement ciblé les syndics à l'occasion du dixième anniversaire de l'Autorité de la Concurrence, promettant des mesures pour accentuer leur mise en concurrence et contribuer à la baisse des prix.
Dans les immeubles en copropriété - un petit tiers des logements français selon l'Insee -, le syndic administre les parties communes, représente les propriétaires à l'extérieur et recouvre leurs charges. Ces rôles sont très largement assumés par un professionnel rémunéré.
"Dans les faits, on ne change pas beaucoup de syndic parce qu'il est difficile de comprendre et comparer les offres", avait accusé M. Philippe.
Les critiques du Premier ministre font écho à des prises de position récurrentes des principaux organismes de défense des consommateurs: l'Institut national de la consommation (INC) et son magasine 60 millions de consommateurs, CLCV, qui dans un sondage de 2017 rapportait que moins de la moitié des copropriétaires sont satisfaits de leur syndics, ainsi que l'UFC-Que Choisir.
Voici deux ans, celui-ci avait notamment accusé les cinq plus gros syndics de France, qui se partagent près de trois quarts du marché, de faire preuve d'une "grande ingéniosité" pour imposer des tarifs abusifs, dans une étude publiée avec l'Association des responsables de copropriété (ARC), un petit organisme spécialisé.
En ciblant les syndics, M. Philippe s'inscrit donc dans un mouvement de longue haleine, d'autant que des mesures avaient déjà été prises sous le précédent quinquennat pour rendre le secteur plus transparent.
"Procès en règle"
"Décidément, les gouvernements se suivent, mais les critiques ne varient guère", ont réagi, dans un rare communiqué commun, les deux principales organisations d'intermédiaires immobiliers, la Fnaim et l'Unis, dénonçant "un procès en règle".
M. Philippe n'est pourtant pas seul à constater le peu d'effet des mesures adoptées sous la présidence de François Hollande lorsque l'écologiste Cécile Duflot était ministre du Logement.
Théoriquement devenue obligatoire, la mise en concurrence régulière des syndics en place fait, de fait, souvent l'objet d'un renoncement par les copropriétaires tandis que, selon un bilan fait en 2017 par la Répression des fraudes (DGCRRF), le contrat unique, imposé à l'époque pour favoriser la comparaison des prestations, est mal respecté dans plus de 40% des cas.
Celui-ci est trop complexe et inadapté, répliquent la Fnaim et l'Unis, ajoutant que si la mise en concurrence ne fonctionne pas, c'est simplement le reflet de la volonté des propriétaires.
"C'est une demande de nos clients", abonde M. Salle. "Je ne vois pas ce que le Premier ministre va faire pour fluidifier ça, à part un voeu pieux."
Si le président de Foncia s'affiche plutôt serein sur ce sujet, il se dit en revanche "énervé" sur une autre piste évoqué par le chef du gouvernement: un plafonnement du tarif des "états datés".
Ce document, obligatoire lors de la vente d'un logement en copropriété, est généralement facturé plusieurs centaines d'euros par les syndics, un montant jugé très excessif par les associations de consommateurs vu le temps de travail qu'il représente.
"Si on raisonne en taux horaires, ce n'est pas tenable", élude M. Salle, renvoyant au fait que le syndic engage juridiquement sa responsabilité et intègre ce risque dans ses tarifs.
"C'est un peu facile de nous taper dessus", enchaîne-t-il, reconnaissant que "les relations propriétaires-syndics sont mauvaises partout dans la profession".
"Le monde du syndic, c'est extrêmement poussiéreux", conclut-il. "Même les notaires sont plus modernes que nous".