Si l'UNAM partage les objectifs de sobriété foncière et de préservation de la biodiversité[1] induits par la trajectoire ZAN, elle questionne ses modalités de mise en œuvre qui risquent, faute de pragmatisme, de fragiliser les territoires et de préfigurer une crise immobilière sans précédent. Dans ce contexte, l'UNAM lance une série de chroniques sur la menace que l'objectif ZAN fait peser sur notre économie, déjà fragilisée par la pandémie et le recul de la construction. Une menace matérialisée par la conjonction de différents facteurs qui feront chacun l'objet d'une chronique dédiée : la limitation drastique des capacités de production de logements, la flambée des prix de l'immobilier, le blocage du marché locatif et l'impossibilité de répondre à la demande de logements sociaux.
À l'occasion de cette première chronique consacrée aux risques inhérents à la limitation drastique des capacités de production de logements, l'UNAM publie un rapport[2] mettant en perspective l'inadéquation de l'impératif ZAN avec les besoins en matière de logement à l'horizon 2030 et appelle à une territorialisation des objectifs pour répondre de manière efficiente à ces besoins.
L'objectif ZAN : une contrainte foncière irréaliste face aux besoins en matière de logement
Guidée par une ambition de sobriété foncière, la trajectoire ZAN vise à diviser par deux le rythme d'artificialisation des terres en France d'ici 2030, contre un objectif fixé à 2050 par l'Europe. Pour ce faire, le projet de loi prévoit d'encadrer strictement les projets de construction de logements neufs.
Cette contrainte semble s'inscrire à rebours des besoins en matière de logement. Comme le souligne le rapport, la demande potentielle de logement devrait s'élever à +4,1 millions de logements à l'horizon 2030. Un chiffre qui prend en compte une diversité de facteurs :
- La croissance démographique de la population française avec une perspective consolidée à 70,5 millions[3] d'habitants en 2030 (dont 66,3 millions en métropole), contre 66,9 millions aujourd'hui : +1,3 millions de logements nécessaires.
- La baisse constante du taux d'occupation des logements en lien avec le « desserrement » des ménages (croissance des ménages monoparentaux et de personnes âgées seules) : +1,7 millions de logements nécessaires.
- La croissance de la vacance immobilière : +830 000 logements nécessaires pour remplacer les logements exclus du marché (logements vétustes, absence de relocation).
- Les besoins en matière de renouvellement du parc immobilier en raison des sorties de bâtiments hors du secteur du logement (démolitions, désaffectations) : +290 000 logements nécessaires.
Il ressort que ces besoins se concentrent majoritairement dans les couronnes périurbaines élargies des villes moyennes ainsi que dans le Grand Ouest. Pour autant, les zones dites « détendues », c'est-à-dire caractérisées par une baisse de leur population ainsi qu'un accroissement de la vacance de leurs logements sont également concernées par ces besoins de construction du fait de la sortie de logements vétustes du parc habité et des besoins croissants liés à la décohabitation des ménages.
En réponse à ces besoins en matière de logement, le projet de loi prévoit de stimuler la rénovation de logements et la récupération de la vacance immobilière. Cependant, même la réaffectation théorique de tout le parc de logements actuellement vacants ne comblerait qu'à peine 20% des besoins urgents en logement sur les dix prochaines années. Les coûts de rénovation, notamment en zone détendue où les prix de l'immobilier sont très faibles, s'avèrent quant à eux encore prohibitifs pour les budgets moyens des ménages : les travaux de rénovation « complète à lourde » (intervention sur réseaux et structure du bâti) correspondent en moyenne, dans ces secteurs, et hors subventions à la rénovation, à un doublement du coût d'acquisition du logement (prix moyen au m² constaté de 1 100 €/m² en octobre 2020, pour des frais de rénovation « complète à lourde » compris dans des fourchettes respectives de 700 à 1 100 €/m² et de 1 125 à 2 000 €/m²), ce qui rend ces logements non-compétitifs sur le marché local.
Ainsi, dans un contexte où la crise sanitaire a déjà largement ralenti les objectifs en matière de construction avec 376.700 logements construits en 2020[4] pour un objectif de 500.000 fixé par le gouvernement, la trajectoire ZAN telle que prévue dans le projet de loi ne fera que contraindre davantage les projets de construction et donner lieu à une véritable crise du logement.
Pour une approche territorialisée de l'objectif ZAN
Plutôt que de provoquer un blocage généralisé du foncier à bâtir, l'UNAM préconise dans son rapport une réponse spatiale différenciée mettant en lumière les priorités d'aménagement selon les territoires. Une adaptation de l'effort ZAN en fonction du contexte territorial qui suit un double objectif :
1/ Proposer une modulation de la contrainte foncière en fonction des lieux : afin d'accompagner les souhaits de mobilité des populations urbaines vers un habitat avec de la nature et permettre un rééquilibrage territorial face au tout métropolitain. Pour ce faire, l'UNAM établit au sein de ce rapport une liste de réponses territorialisées face à l'objectif ZAN en distinguant[5] :
- Les zones où l'impératif ZAN semble prioritaire : à l'instar des unités urbaines de plus de 20 000 habitants et des territoires ruraux dense et/ou touristiques.
- Les zones où l'impératif ZAN n'est pas tenable en valeur absolue, sous peine de provoquer une crise majeure du logement et d'empêcher un rééquilibrage territorial de la population hors des métropoles : à l'instar des territoires « périurbains connectés » et « périurbains intermédiaires ».
- Les zones où l'impératif ZAN semble tenable à condition d'une balance globale calculée à l'échelle intercommunale : à l'instar des territoires « ruraux polarisés » et « ruraux isolés ».
2/ Prioriser certains pôles de services secondaires existants (petites villes et bourgs ruraux), actuellement fragilisés par l'attractivité métropolitaine, tout en favorisant des relocalisations d'emplois et de services au bénéfice des territoires hors-métropoles : pour contrer l'étalement urbain incontrôlé, ainsi que les impacts environnementaux des mobilités alternantes ville/campagne.
Dans son rapport, l'UNAM identifie 8 161 communes regroupant 17,6 millions d'habitants pouvant constituer des centres de polarités secondaires et locales hors espaces métropolitains et hors unités urbaines de plus de 20 000 habitants. Ce sont toutes ces centralités qui apparaissent prioritaires dans une volonté de rééquilibrage territorial organisé de l'espace métropolitain.
À rebours de l'approche réglementaire et sectorielle contenue dans la doctrine ZAN, l'UNAM motive une réflexion d'aménagement plus fine, capable d'adapter la visée écologique aux enjeux de justice spatiale et sociale. Si le verrou ZAN s'avère plus pertinent en milieu dense et déjà structuré plutôt que dans les territoires ruraux, la quête de nouvelles centralités secondaires devient désormais une priorité forte de l'aménagement du territoire à venir.
[1] Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
[2] UNAM, 2021, L’utilisation du foncier pour le logement à l’horizon 2030. Besoins et préconisations, Rapport scientifique (26p.).
[3] Taux de croissance démographique annuel : donnée INSEE/Eurostat 2020.
[4] Source SDES / Sit@del2 (France entière, hors Mayotte) : 410 900 mises en chantier en 2018, 404 900 en 2019, 376 700 en 2020.
[5] Liste exhaustive des réponses spatialisées en lien avec l’objectif ZAN pages 17 à 19 du Rapport