En février 2022, après des alertes publiques des plus hauts magistrats de la ville, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti annonçait un "plan Marshall pour la justice phocéenne".
A la clé, des renforts de magistrats, arrivés en fin d'année, et l'annonce de la construction d'une nouvelle cité judiciaire de 40.000 mètres carrés d'ici 2028. Faute de place, les services du troisième tribunal de France (après Paris et Bobigny), avec compétences interrégionales en matière de crime organisé, santé, transports ou environnement, sont actuellement répartis sur sept sites.
Un an plus tard, ce projet immobilier semble au point mort, alors qu'une nouvelle visite du président Macron est attendue pour un nouveau point sur le plan "Marseille en grand" lancé par le chef de l'Etat en septembre 2021 face aux multiples retards de la deuxième ville de France. Or, toutes les sources impliquées s'accordent sur le fait que la décision sur la cité judiciaire sera tranchée "au plus haut niveau".
Trois options sont avancées pour ce projet estimé à 250 millions d'euros : s'appuyer sur l'existant, dont l'actuel palais de justice d'un peu plus de 6.000 mètres carrés en centre ville, avec éventuellement de nouveaux bâtiments ; construire sur le site Euroméditerranée, projet de rénovation urbaine autour du port, dans le nord de la ville ; ou répondre à l'invitation du député Renaissance Lionel Royer-Perreaut, qui a suggéré une zone de sa circonscription, à la Capelette (10e arrondissement), au sud-est de la ville.
Selon les acteurs marseillais du dossier, le ministère pencherait pour "Euromed". Mais la chancellerie se borne à répondre à l'AFP que "les réflexions pour définir le meilleur site se poursuivent intensément (...), en concertation permanente avec les élus locaux. L'ampleur des enjeux nécessitent que nous prenions le temps de la réflexion et de la concertation".
Maintien au centre
La municipalité "souhaite un maintien au centre ville", comme les avocats ou la Chambre de commerce et d'industrie.
"La réhabilitation et la modernisation des bâtiments existants est à l'étude afin de répondre aux besoins et à l'augmentation des effectifs judiciaires", ont indiqué les services de la mairie à l'AFP. Selon des sources concordantes, le maire divers-gauche Benoît Payan a écrit en février aux "plus hautes autorités" pour réaffirmer cette position.
"On ne nous consulte pas et on ne consulte pas les Marseillais", peste Mathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille: "L'accès à la justice doit rester en coeur de ville", où 90% des avocats marseillais ont leur cabinet. "Il y a un vrai besoin de la justice, nous en convenons, mais il faut le concilier avec les besoins locaux".
Et d'assurer qu'il y a encore de la place au centre et que l'on pourrait aussi construire en hauteur. Il avance aussi le manque chronique de transports en commun à Marseille, gênant pour les justiciables si le palais déménageait.
"Il ne faudrait pas annihiler tout le travail fait pour ramener de l'activité et de l'attractivité en centre ville," met de son côté en garde Jean-Luc Chauvin, patron de la CCI, "préoccupé" par un éventuel départ du palais.
Barreau et CCI préparent une étude d'impact économique, après avoir demandé en vain aux services de l'Etat d'en réaliser une, selon M. Chauvin. Selon de premières estimations, quelque 200 commerces pourraient être fragilisés.
Si la cité judiciaire doit effectivement ouvrir en 2028, la décision ne doit plus tarder, reconnaissent tous les acteurs.
Sans exprimer de choix sur un débat ne relevant pas de sa "compétence", le président du tribunal judiciaire Olivier Leurent a rappelé lors de la rentrée solennelle de janvier "l'urgence" à régler cette question: "L'impasse immobilière dans laquelle nous nous trouvons nuit gravement à la qualité de la justice", a plaidé le magistrat.