Depuis mi-mai, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, vante les "accords de performance collective" rendus possibles par les ordonnances réformant le Code du travail de 2017, au tout début de quinquennat.
Ce dispositif a remplacé les "accords de maintien de l'emploi"; "de préservation ou de développement de l'emploi" et les "accords de mobilité". Visant à "préserver" ou de "développer" l'emploi, il peut: aménager la durée du travail; aménager la rémunération; déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise. A défaut de précisions, l'accord est valable cinq ans. En cas de refus, le salarié est licencié.
"Je pense qu'il faut se serrer les coudes dans cette période. Pour se serrer les coudes on peut aussi négocier des accords de performance collective", a suggéré Mme Pénicaud dimanche sur LCI. Cette mesure permet "de se dire +plutôt qu'il y en ait 20% qui perdent leur emploi, on va pendant quelque temps baisser le temps de travail, donc la rémunération+".
Mais pas à n'importe quel prix pour les salariés.
Le cas de Ryanair ne passe pas, par exemple. La direction de Malta Air, qui opère pour la compagnie irlandaise low cost en France, a proposé de baisser de 10% la rémunération de son personnel navigant commercial pendant cinq ans, un "chantage au licenciement", selon le syndicat majoritaire de Ryanair France.
"Si les personnels de Ryanair étaient payés 30% de plus que le marché (…) je pourrais entendre +On a un problème structurel et ça suppose de revoir notre modèle pour être à peu près comme les autres+. Je ne suis pas sûre que ce soit la situation", a réagi mercredi sur France Inter la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie Agnès Pannier-Runacher, qui a repris le terme "chantage", tout comme Bruno Le Maire la veille, ou Muriel Pénicaud.
Mais les accords de performance sont "de bonnes pistes" car "à terme, ces négociations sont plus créatrices d'emploi", a relevé la secrétaire d'Etat, proposant que les "gros salaires baissent aussi".
"Aucune garantie aux salariés"
"Plus de 300" accords de ce type ont été signés cette année, selon Muriel Pénicaud.
"C'est l'outil idéal, le plus flexible, le plus simple et le plus complet pour adapter l'entreprise à la situation de crise actuelle, voire sur le long terme. Il permet de moduler tous les aspects essentiels de la relation au travail", s'enthousiasme Déborah David, avocate associée au cabinet De Gaulle Fleurance & Associés (côté employeurs), évoquant notamment le télétravail. "L'avantage principal" de ce genre d'accord: "transformer l'entreprise complètement sans procéder à des licenciements".
Pour Pascal Lokiec, professeur de droit social à la Sorbonne, ce dispositif "doit être manié avec extrême prudence car le cadre légal, tel que défini par le Code du travail, est extrêmement léger et n'offre quasiment aucune garantie aux salariés".
"Ce type d'accord n'est viable que dans une entreprise où le dialogue social est très équilibré, y compris en temps de crise, à moins que le gouvernement fasse le choix de renforcer, dans l'urgence, le cadre légal pour offrir plus de garanties aux salariés", ajoute-t-il.
Yves Veyrier, le numéro un de FO, partage cette inquiétude, évoquant "des exemples passés où on a contraint les salariés par le biais d'une forme de chantage à l'emploi à accepter des baisses de salaires (…) pour au final que des emplois soient malgré tout supprimés".
Parmi les garanties nécessaires pour que de tels cas ne se produisent pas, M. Lokiec cite "un engagement de l'entreprise de ne pas licencier pour une certaine durée; une clause de retour à meilleure fortune qui signifie que si l'entreprise va mieux, l'accord devient caduc; et l'engagement des actionnaires et dirigeants de faire des efforts proportionnés à ceux des salariés".
Et de rappeler que ces clauses étaient obligatoires dans les premières générations d'accords sur l'emploi, créées en 2013, avant de devenir progressivement facultatives.