L'annonce lundi du non-agrément en l'état de l'accord sur l'assurance chômage, en attendant l'issue d'une autre négociation sur l'emploi des seniors, a pris de court le patronat et les organisations syndicales signataires (CFDT, FO et CFTC).
Le cadrage était "respecté" mais l'accord est "incomplet", a justifié Matignon, qui conditionne son agrément à un accord sur l'emploi des seniors et récuse toute défiance.
Selon un responsable patronal, c'est la première fois qu'un accord paritaire se trouve ainsi hypothéqué.
L'annonce est survenue après le report d'une réforme sur l'indemnisation des accidents du travail, portée par les syndicats et le patronat, la publication surprise d'un décret sur la suspension du repos hebdomadaire de certains salariés pendant les JO, et au moment où de nouvelles négociations commencent sur l'Agirc-Arrco pour tenter de relever les petites retraites, une promesse du gouvernement.
Force est de constater que "la place des partenaires sociaux dans les réformes sociales nationales s'est réduite à des concertations, ou bien à des négociations fermées dans le carcan de lettres de cadrage, qui leur laissent trop peu de marge de manœuvre", souligne l'économiste du travail Philippe Askenazy, dans une tribune publiée mercredi dans Le Monde.
Après le conflit des retraites, le changement de ton amorcé en juillet par le gouvernement avec la rencontre multilatérale entre Elisabeth Borne et les partenaires sociaux, a-t-il déjà fait long feu ?
"Il n'y a pas de dégradation ou d'amélioration" dans les relations, "ce n'est qu'une nouvelle démonstration" du fait qu'Emmanuel Macron "pense que les discussions avec les partenaires sociaux n'ont pas beaucoup d'intérêt", s'agace Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT.
L'invitation de Matignon
Cyril Chabanier (CFTC) se veut lui optimiste et note que "le dialogue social reste meilleur qu'il y a quelques mois".
"Les partenaires sociaux jouent le jeu et vont se saisir cette semaine du document d'orientation" adressé par le ministère du Travail et dans le cadre duquel ils négocieront d'ici mi-mars la question de l'emploi des seniors ou le Compte épargne temps universel (Cetu), a expliqué M. Ricordeau. L'objectif étant que le Parlement vote une loi au printemps.
Lundi après-midi, syndicats et patronat seront reçus au ministère du Travail pour aborder les contours du "Haut conseil des rémunérations", promis lors de la conférence sociale mi-octobre, et censé s'attaquer à la question des bas salaires.
Le même jour, la Première ministre recevra les ministres de l'Economie Bruno Le Maire et du Travail Olivier Dussopt pour "échanger sur le plein emploi et les moyens d'y parvenir", a annoncé à l'AFP son cabinet.
"Elle a demandé à ses ministres des +propositions nouvelles+" jugeant que "pour passer de 7 à 5% de chômage, il faut continuer à transformer le pays", précise son entourage.
Il s'agit d'"interroger les dispositifs existants" parmi lesquels figurent, entre autres, les ruptures conventionnelles - dont le recours a augmenté de 77% entre 2012 et 2022 - ou la formation. Mais aussi, le travail des seniors et leur indemnisation au chômage, alors que l'âge du départ en retraite va être progressivement relevé de 62 à 64 ans.
L'invitation survient quelques jours après que le président de la République a sommé les dirigeants de petites et moyennes entreprises de "se réveiller" pour atteindre l'objectif du plein emploi qu'il s'est fixé pour son second mandat.
L'embellie constatée depuis plusieurs années semble mise à mal dans un contexte désormais marqué par une légère remontée du taux de chômage au troisième trimestre, ce qui pousse certains cadres du gouvernement à plaider pour de nouvelles réformes, mêmes impopulaires.
Ainsi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire s'est dit la semaine dernière favorable à un abaissement de la durée d'indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans pour l'aligner sur celle des autres demandeurs d'emploi, ce qui la ferait passer de 27 à 18 mois. Les durées d'indemnisation de tous les chômeurs ont déjà été réduites de 25% le 1er février.