Cependant, sa production doit plus que doubler. La production de chaleur et de carburants renouvelables doit augmenter beaucoup plus rapidement afin de garantir un accès équitable et la sécurité de l'approvisionnement.
De nombreux obstacles empêchent les énergies renouvelables de contribuer efficacement à la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat et de développement, selon le module sur les énergies renouvelables dans l'approvisionnement énergétique, publié dans le cadre du Rapport sur la situation mondiale des énergies renouvelables 2023. Ces obstacles incluent un manque d'attention portée aux différents vecteurs énergétiques et la difficulté à diversifier les sources d'énergies renouvelables au-delà de l'éolien et du solaire photovoltaïque, des insuffisances en matière de politiques publiques, des lenteurs dans la fourniture des permis et dans les raccordements au réseau, des niveaux d'investissement inégaux entre les régions et la poursuite d’investissements massifs dans les énergies fossiles.
Le module sur les énergies renouvelables dans l'approvisionnement énergétique couvre la répartition de l'énergie finale entre les vecteurs énergétiques (chaleur, carburant et électricité), les zones géographiques et les technologies (bioénergie, géothermie, pompes à chaleur, hydrogène, hydroélectricité, solaire photovoltaïque, énergie solaire concentrée (CSP), chaleur solaire thermique, énergie océanique et énergie éolienne). Ce volet fait suite à la publication des modules 2023 du rapport sur la demande énergétique, qui ont analysé le recours aux énergies renouvelables dans les principaux secteurs consommateurs d'énergie, à savoir les bâtiments, l'industrie, les transports et l'agriculture.
Les vecteurs énergétiques comprennent l'électricité et la chaleur ainsi que les carburants solides, liquides et gazeux. A l’heure actuelle, l'approvisionnement mondial en énergie est principalement sous forme de chaleur (49%), suivie des carburants (29%) et de l'électricité qui représente la plus petite part (22%). En 2022, la part des énergies renouvelables dans le secteur de l'électricité a atteint 30%, principalement en raison de l'attention politique portée à ce secteur et qui a conduit à l’essor du marché, des filières industrielles et à la baisse des coûts. Cependant, cela signifie que la part des énergies renouvelables ne représente qu’une part relativement faible (12,7%) du système énergétique total.
Pour Mme Rana Adib, Directrice Exécutive de REN21 : « La croissance record des énergies renouvelables dans le secteur de l'électricité est une bonne nouvelle. Néanmoins, nous devons plus que doubler cette croissance et parvenir à une électrification plus importante encore des secteurs de la chaleur et des transports, tout en investissant massivement dans les infrastructures de réseau pour lutter contre le changement climatique et fournir l'électricité à plus de 700 millions de personnes vivant sans électricité principalement en Afrique et en Asie. »
Les autres vecteurs énergétiques, à savoir les carburants et la chaleur, qui fournissent la plus grande partie de l'énergie, ont vu leur part d’énergies renouvelables chuter à 3,6% et 9,2% respectivement. Cela indique que les efforts sont concentrés sur l'électricité. Cette focalisation ralentit la transition vers un système énergétique basé sur les renouvelables, retardant d’autant les efforts pour atteindre les Objectifs de développement durable et maintenant le statu quo actuel en matière d'insécurité énergétique.
Une plus grande attention doit être accordée à la chaleur renouvelable et aux carburants de sources renouvelables, ainsi qu'à la diversification des sources d'énergie renouvelable. Bien que l'électricité joue un rôle de plus en plus important dans l'approvisionnement énergétique mondial, le scénario de neutralité carbone (net zéro) de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et le scénario de 1,5°C de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) indiquent clairement que l'électricité ne représentera que la moitié de l'énergie finale totale.
Pour Mme Adib : « Cela signifie clairement que nous ne pouvons pas continuer à négliger les autres vecteurs si nous voulons sérieusement réduire les émissions et faire face aux crises climatiques, énergétiques et de pauvreté énergétique. Il a fallu du temps, des investissements et une volonté politique pour atteindre les 30% d'énergie renouvelable dans le secteur de l'électricité. Nous devons maintenant accorder à la chaleur et aux carburants une attention politique similaire afin d’opérer le changement critique dont nous avons besoin. »
Les efforts en matière d'électricité d’origine renouvelable doivent également être accélérés. Malgré l’importance accordée au secteur de l'électricité, l'incapacité persistante à construire et à étendre les réseaux électriques et à accélérer les procédures d’autorisation créent des goulets d’étranglements qui ralentissent la transition vers un système électrique basé sur les renouvelable. Plus d'un térawatt de projets d'énergie renouvelable attendent toujours d'être construits et raccordés au réseau à l'échelle mondiale en raison des retards dans l’octroi des permis et du manque d'investissement dans les infrastructures de réseau. L'état des systèmes et des infrastructures énergétiques sera abordé dans un prochain module qui sera publié dans le cadre de la collection GSR 2023.
Pour Mme Adib : « Même dans le secteur de l'électricité, nous n'avons toujours pas d’approche systémique pour faire des énergies renouvelables un secteur économique et industriel florissant en investissant dans les capacités de production et en formant la main d’œuvre. Nous nous concentrons sur quelques technologies comme le solaire photovoltaïque et l'éolien et leur capacité de production, en négligeant la distribution et la connexion aux réseaux. La production d'électricité à partir d’énergie renouvelables nécessite une attention particulière aux infrastructures. C'est comme si vous construisiez des voitures alors que vous manquez de routes. Ce même processus de raisonnement et de décision doit s'appliquer aux énergies renouvelables. »
Une mobilisation en faveur de la création d'un objectif mondial pour l'énergie renouvelable dans le secteur de l'électricité est actuellement en cours et pourra donner lieu à des annonces lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP 28) à Dubaï en novembre. Récemment, les dirigeants des pays du G7 ont pris l'engagement historique d'augmenter collectivement la capacité mondiale d'énergie éolienne offshore de 150 gigawatts et la capacité solaire à plus d’un térawatt d'ici à 2030.
Pour Mme Adib : « Ces annonces sont des signaux positifs tant pour les pays que pour les marchés des énergies renouvelables. Cependant, la science et l'expérience nous montrent que pour être efficaces, ces objectifs doivent être rapidement traduits en actions concrètes qui accéléreront la transition énergétique dans tous les pays, à travers notamment de politiques nationales, du développement et du transfert de technologies, d'investissements équitablement répartis à travers les régions, de l’abandon progressif des combustibles fossiles et de la suppression des obstacles et des goulets d'étranglement. »
La tendance à la concentration observée au sujet des vecteurs se retrouve également dans les technologies et les sources d'énergie renouvelable utilisées. Actuellement, la majorité des capacités renouvelables installées sont principalement basées sur l'énergie éolienne et solaire photovoltaïque, qui représentent 92% des nouvelles capacités installées en 2022. Les autres technologies, telles que la bioénergie, l'hydroélectricité, la géothermie, le solaire à concentration et l'énergie marine, restent sous-exploitées.
Pour Mme Adib : « La crise énergétique qui a résulté de l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie a mis en évidence l'importance de la sécurité en matière d'approvisionnement. Pour nous prémunir contre de nouvelles crises, les décideurs politiques doivent immédiatement intensifier leurs efforts dans le développement de toutes les technologies renouvelables, notamment l'hydroélectricité, la géothermie, les énergies marines, le solaire à concentration et la bioénergie. Si nous n'évoluons pas rapidement dans ces domaines, en plus du solaire photovoltaïque et de l'éolien, nous entretenons notre dépendance au charbon, au pétrole, au gaz et au nucléaire pour notre approvisionnement énergétique à long terme. »
Sur le plan géographique, la Chine est en tête des investissements dans les énergies renouvelables en 2022, avec 55% du total mondial, suivie de l'Europe avec 11% et des États-Unis avec 10%. L'Afrique et le Moyen-Orient unis ont reçu la part la plus faible des investissements dans les énergies renouvelables, avec seulement 1,6%. La majeure partie du déploiement mondial des énergies renouvelables a eu lieu en Chine, qui a représenté 44% des nouvelles capacités solaires et 38% des nouvelles capacités éoliennes, soulignant la forte concentration géographique de la production d'énergies renouvelables.
Pour M. Joel Nana de Sustainable Energy Africa : « L’Afrique, continent abondamment doté en énergies renouvelables, fait face à une tempête silencieuse, une crise énergétique de longue date, une situation inacceptable que le monde, malheureusement, choisit d'ignorer. Il est de notre devoir moral d'accélérer non seulement la production de quantités suffisantes d'énergies renouvelables, mais aussi de veiller à ce que cette transition bénéficie aux plus vulnérables, améliore les conditions de vie et favorise un développement durable qui va bien au-delà des gains économiques. »
Les flux financiers ne se réorientent pas encore assez rapidement vers les énergies renouvelables et au détriment des combustibles fossiles. Sur les 640 milliards de dollars américains d'investissements mondiaux dans le secteur de l'énergie en 2022, 26% ont été consacrés aux combustibles fossiles et à l'énergie nucléaire, alors que l'énergie renouvelable est l'option la moins coûteuse. Cela signifie que nous continuons à emprisonner davantage d'émissions dans l'atmosphère en investissant dans des technologies de combustibles fossiles qui deviendront bientôt obsolètes, privant ainsi les populations et la planète des avantages en termes de durabilité, de développement, de santé et d'emplois de la transition énergétique.
Pour Bruce Douglas, directeur général du Global Renewables Alliance : « Les énergies renouvelables sont maintenant reconnues comme la colonne vertébrale nécessaire de tous les systèmes énergétiques. Cependant, elles doivent également être développées en tant que secteur économique, avec l’intention claire et stratégique de construire une industrie rentable. Les investissements dans les filières de production et une main-d'œuvre qualifiée sont désormais indispensables pour garantir que le secteur soit sûr, durable et prospère. »