Un bâtiment sans clim' et qui ne nécessitera en hiver qu'un modeste chauffage, grâce à ses murs épais mais respirants au fil des saisons.
"Ce n'est pas bon marché de construire en pisé mais, sur le long terme, c'est économique", souligne sous un soleil de plomb ce pionnier de la préfabrication de la construction en terre.
Historiquement, on bâtissait beaucoup en terre dans la région lyonnaise, le Nord-Isère et le Forez. Et puis les compétences se sont perdues, phénomène accéléré par les deux guerres mondiales.
"Que vous soyez en école de maçonnerie ou d'ingénieur, jamais on va vous enseigner des techniques vernaculaires. C'est béton, parpaing, béton", regrette ce sexagénaire débonnaire, tout en reconnaissant que "les choses évoluent" désormais.
Originaire de Saint-Etienne, une région de pisé, M. Meunier découvre la construction en terre en 1981 ... au Mali, où fort de son expérience de maçon et de chef de chantier il passe deux ans en appui à des projets d'autoconstruction.
Rentré en France, il se lance dans la rénovation du patrimoine en terre et la construction neuve. A ce jour, il a réalisé "une petite trentaine" de maisons en pisé.
Depuis ses débuts, il s'interroge sur la manière de rendre le métier moins pénible. "On ne peut pas défendre nos techniques traditionnelles si on conserve les méthodes du 19e siècle", relève-t-il.
Car pour construire un mur en pisé, il faut tasser dans un coffrage un mélange d'argile et de graviers avec l'aide d'un gros pilon. "C'est comme faire du marteau piqueur", note-t-il.
Dès 1986, Nicolas Meunier met donc au point une machine mobile de préfabrication, qu'il ne cesse depuis de perfectionner. "Les Californiens veulent me l'acheter!", lance-t-il goguenard.
Installée sur le chantier, cette machine peut produire chaque jour jusqu'à quatre grosses "briques" de pisé, d'un poids allant de 1 à 2,5 tonnes qu'il suffit d'empiler avec une précision de l'ordre du millimètre. Il en faudra 280 pour le bâtiment lyonnais.
Un geste architectural gonflé
A une époque où l'on parle beaucoup d'économie circulaire, la construction en terre présente nombre d'avantages: faible consommation énergétique, absence de déchets, réversibilité.
Les 610 mètres cubes de terre nécessaires proviennent du chantier d'une plateforme logistique à 30 kilomètres de là - qui autrement auraient fini à la décharge.
Et si un jour le bâtiment devait être détruit, la terre peut être broyée, réhumidifiée et réutilisée pour un nouveau bâtiment.
La préfabrication des éléments sur le site même du chantier permet de supprimer les coûteuses étapes du stockage et du transport. Elle simplifie aussi la conduite du chantier, tout en améliorant les conditions de travail des ouvriers.
Le projet lyonnais est né de la volonté du promoteur Ogic d'édifier un bâtiment de bureau innovant. Et l'architecte lyonnais Clément Vergély, qui a passé toute son enfance dans une maison en terre, a proposé qu'il soit construit en pisé. "C'était l'occasion de remettre ce matériau au coeur d'un projet contemporain", note-t-il.
Si les maisons traditionnelles en terre n'ont que de petites ouvertures, son bâtiment présente lui de généreuses arches qui baigneront les locaux de lumière.
Un "geste architectural gonflé", reconnait M. Vergély, car "les arches, en pisé traditionnel, ça n'existe pas". De l'aveu même de M. Meunier, "sur ce projet, le matériau a été poussé au bout de ses capacités". Mais si "la forme est complètement nouvelle pour du pisé, il n'y a rien d'expérimental" grâce au soutien de plusieurs écoles scientifiques et bureaux d'études. "C'est la réunion de la science et de l'empirisme".