"On est pour le moins sur notre faim", lâche d'emblée Gilles Leproust, président de l'association Ville et Banlieue et maire PCF d'Allonnes (Sarthe).
"Il y a beaucoup d'effets d'annonce. Mais concrètement, on voit bien le décalage, à chaque fois, entre discours et réalité".
En réponse aux émeutes, déclenchées par la mort à Nanterre de Nahel, adolescent tué par un policier lors d'un contrôle routier, le gouvernement a adopté un discours plus sécuritaire.
En juillet 2023, le portefeuille chargé de la Ville, jusqu'ici occupé par l'ex-socialiste Olivier Klein, a été confié à Sabrina Agresti-Roubache.
L'élue marseillaise, coutumière des déclarations polémiques, a assumé un discours mettant la sécurité avant tout, affirmant que c'était la première demande de ses interlocuteurs sur le terrain.
Son secrétariat d'Etat n'était d'ailleurs plus rattaché uniquement au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mais aussi au ministère de l'Intérieur.
En matière de sécurité comme ailleurs, les annonces faites n'ont pas été suffisamment suivies d'effets, voire pas du tout, dénonce Gilles Leproust.
"Et c'est un vrai problème, parce que comme il y a un décalage entre ce qui est dit et le vécu d'une partie de la population, ça renforce chez les habitants un regard très critique par rapport à l'action publique", craint-il.
"A rebours"
En dehors de la sécurité, l'ex-Première ministre Elisabeth Borne avait détaillé, en octobre, plusieurs mesures visant à améliorer la mixité sociale et les services publics dans les quartiers populaires.
Elle avait promis de développer les "cités éducatives" visant à prendre en charge les élèves plus longtemps, souhaité que les ménages les plus précaires ne soient plus installés dans les quartiers prioritaires ou encore annoncé un plan pour développer l'entrepreneuriat.
"Il y a des choses qui ont été annoncées sur l'emploi, l'éducation, mais il y a tout le soutien aux associations, tout le volet prévention de la délinquance et actions à dimensions socio-économiques, qui est un peu le parent pauvre", juge Christine Lelévrier, urbaniste à l'université Paris-Est-Créteil.
La politique de la ville doit aussi composer avec l'austérité budgétaire.
Dans les coupes de 10 milliards d'euros annoncées en février par Bruno Le Maire, elle a été amputée de 49 millions, soit 7,6% du budget initialement voté (640 millions).
Cette enveloppe spécifiquement dédiée aux quartiers les plus défavorisés est insuffisante pour compenser les inégalités de traitement qu'ils subissent de la part des autres politiques publiques, dites "de droit commun", juge Renaud Epstein, sociologue à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye.
"Depuis un an, les évolutions des grandes politiques publiques ne vont pas dans le sens d'un traitement favorable des quartiers, bien au contraire !"
Et de citer le projet de loi logement - avorté par la dissolution de l'Assemblée nationale - présenté en mai par le ministre Guillaume Kasbarian.
Celui-ci prévoyait d'assouplir les objectifs de construction de logements sociaux pour les mairies en deçà des quotas légaux. Selon Renaud Epstein, ce projet allait "à rebours de 25 ans de tentatives de déségrégation".
"Aucune réforme, aucun questionnement sur les pratiques policières dans les quartiers n'a émergé", note-t-il. Alors que le rapport à la police a été le déclencheur des émeutes.
"La politique de la ville comme politique publique, avec ses crédits, ses programmes, elle continue comme avant, sans changements. Mais du côté des politiques sectorielles, ça va à l'inverse (de ce qu'il faudrait faire), et du côté des discours, c'est stigmatisant".
"Emmanuel Macron lui-même, qui avait pourtant eu des discours plutôt libéraux et bienveillants à l'égard des quartiers pendant sa première campagne présidentielle, n'a plus aujourd'hui qu'un discours de rappel à l'ordre", observe encore le sociologue.
Le flou persiste en outre sur l'avenir de la rénovation urbaine, principal poste de dépenses de la politique de la ville.
L'Anru, agence nationale qui la pilote, n'a plus de présidente depuis l'entrée au gouvernement de Catherine Vautrin en janvier. Et nul ne sait ce qu'elle deviendra après l'achèvement du programme actuel (NPNRU), fixé fin 2026.
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