Dès le 1er janvier, les entreprises de 11 à 49 salariés ayant réalisé un bénéfice net fiscal d'au moins 1% de leur chiffre d'affaires au cours des trois dernières années devront mettre en place un dispositif de partage de la valeur.
Mais selon un récent sondage Ifop réalisé pour la société de conseil Primeum en juin, 57% des petites et moyenne entreprises concernées interrogées ignoraient cette nouvelle obligation.
Jusqu'à présent, cette loi ne s'appliquait qu'aux entreprises de 50 salariés et plus, contraints de redistribuer une parties de leurs bénéfices à leurs employés à travers un accord de participation.
"L'économie se tend et je pense que la priorité d'une majorité de dirigeants c'est de remplir les carnets de commandes et d'assurer une rentabilité à leur entreprise", analyse auprès de l'AFP Stéphanie Pauzat, vice-présidente de la confédération des PME (CPME), pour expliquer ce retard.
Risque de "paquet cadeau"
Si les petites entreprises auront le choix entre quatre dispositifs, dont la prime de participation, c'est la prime de partage de la valeur (PPV), ex-"prime Macron", plafonnée à 3.000 ou à 6.000 euros par personne selon certaines conditions, qui pourrait être plébiscitée en priorité par les PME pour sa simplicité.
Jean-Baptiste Sizes, fondateur et dirigeant d'Eigrene, petite start-up qui conseille les boulangers en énergie, a déjà versé plusieurs fois la PPV, "hyper souple" et "pratique", qui lui a semblé être la meilleure option pour commencer.
Pouvant résulter d'une décision unilatérale du dirigeant et distribuée, sans condition de performance, à tous les salariés, l'ex-"prime Macron" s'apparente néanmoins à un "paquet cadeau" sans effet incitatif, souligne Émilienne Grenier, consultante en ressources humaines chez Spartes.
"Il n'y a pas de contrat moral (...) entre l'entreprise et les salariés, on ne s'inscrit pas dans le temps long", abonde M. Sizes. Le jeune dirigeant souhaite se tourner, en 2025, vers un dispositif lui permettant "d'associer" davantage ses équipes "dans la discussion" autour du partage de la richesse créée.
Objectifs et indicateurs
Le risque de la PPV "c'est que les salariés ne comprennent pas pourquoi on leur verse, (...) que l'année d'après, si le montant n'est pas le même, ils se disent +Où est ma prime ?+", explique Mme Grenier.
A l'inverse, la prime d'intéressement, autre dispositif mobilisable par les PME, "permet de partir de ce que veut faire l'entreprise" et "de mettre en place des indicateurs qui lui sont spécifiques" pour évaluer si les objectifs ont été atteints, ou non, poursuit-elle.
L'entreprise peut choisir de fixer un objectif basé sur le chiffre d'affaires ou le bénéfice, mais aussi sur le taux d'absentéisme ou d'autres critères plus spécifiques, comme la satisfaction des clients, pour déclencher le versement de la prime.
C'est l'option "la plus adaptée" pour les petites entreprises, malgré sa plus grande complexité administrative, selon la consultante.
Selon l'étude Ipsos citée plus haut, 21% des dirigeants d'entreprises interrogés ont déclaré qu'ils choisiraient de mettre en place un accord d'intéressement en 2025, deuxième dispositif de partage de la valeur cité dans le sondage après la PPV (43%).
Aucune sanction
Pour accompagner les chefs d'entreprises, l'exécutif avait prévu d'engager une campagne de communication à partir de la mi-janvier, avec la participation d'acteurs clés comme les comptables, les fédérations ou encore les régions.
Mais le portefeuille de l'Intéressement et de la Participation, confié sous le gouvernement Barnier à Marie-Agnès Poussier-Winsback, a été abandonné lors du remaniement.
Pour la CPME, pas d'inquiétude. Les entreprises concernées devraient finir par se mettre à la page "au moment de la clôture des comptes" de l'année 2025 lorsque "les experts comptables font part des obligations nouvelles qui incombent" à leurs clients.
Aucune sanction n'est pour l'instant prévue en cas de non respect de cette obligation.
Outre les trois dispositifs cités, l'abondement d'un plan d'épargne salarial est le dernier levier dont pourront se saisir les PME de plus de 11 salariés pour se conformer à la loi.