La ministre des Transports Elisabeth Borne s'est félicitée, à l'issue de deux semaines de débats, que "les grands équilibres du texte sortent confortés du Sénat".
"Je suis convaincue que ce texte est une réponse forte aux fractures sociales et territoriales qui s'expriment dans notre pays", a-t-elle ajouté, alors que le grand débat national lancé par l'exécutif en réponse à la crise des "gilets jaunes", arrive à sa conclusion.
Elle a en particulier salué "l'enthousiasme du Sénat sur le sujet vélo".
La ministre n'était pas arrivée les mains vides au Palais du Luxembourg. Elle a ainsi proposé, à l'unisson de la plupart des groupes politiques de la haute assemblée, un amendement permettant aux régions qui le souhaitent de gérer directement les "petites lignes" ferroviaires.
"C'était quelque chose de très attendu", a souligné le président de la commission de l'Aménagement du territoire Hervé Maurey (centriste).
Mme Borne a aussi émis un avis favorable à plusieurs amendements proposés par les sénateurs, comme l'inscription dans le texte de l'objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre, ou celle d'une stratégie d'accompagnement de la transition énergétique des navires.
Elle s'est en revanche opposée à d'autres initiatives votées par le Sénat, en particulier l'amendement défendu par Michel Raison (LR) permettant aux préfets et présidents de départements d'aménager au niveau local la très polémique limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires.
Taxe poids-lourds
Le Sénat a par ailleurs passé à la trappe plusieurs points du texte : il a ainsi supprimé l'article sur les plateformes de services, comme Take Eat Easy, qui reprenait le principe d'une charte facultative, déjà introduit à l'initiative de l'Assemblée dans le projet de loi avenir professionnel. Il avait alors été censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier.
Des sujets "fantômes", absents du texte, ont donné lieu à des débats animés. Ca a été le cas de la question du financement, Mme Borne martelant vouloir attendre les conclusions du grand débat pour décider des nouvelles ressources nécessaires à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Il manque 500 millions d'euros pour boucler son budget.
M. Maurey en a fait un casus belli, indiquant qu'à titre personnel, il ne voterait pas le texte à son retour de l'Assemblée nationale, s'il ne présentait pas "un volet financier sérieux".
Les amendements proposant l'instauration d'une taxe poids-lourds pour les transporteurs étrangers transitant en France ont cependant été repoussés, jugés inopérants ou contraires au droit européen.
Autre sujet qui a fait l'objet de longs échanges, sans toutefois aboutir: la question de l'inscription dans le texte de l'objectif de l'arrêt des ventes de véhicules thermiques d'ici 2040. Le sujet a été porté aussi bien par des sénateurs LREM, avec un avis de sagesse du gouvernement, que par les groupes CRCE à majorité communiste, RDSE à majorité radicale, ou PS.
Le Sénat à majorité de droite a retoqué les différents amendements, suivant l'avis du rapporteur LR Didier Mandelli, pour qui il est préférable d'"inciter et accompagner plutôt qu'interdire".
Dans un communiqué, le député ex-LREM Matthieu Orphelin a d'ores et déjà indiqué qu'il porterait à l'Assemblée l'instauration d'une vignette pour les poids-lourds en transit, ainsi que l'inscription dans la loi de l'objectif de fin de la vente des véhicules thermiques neufs en 2040.
Il souhaite également la généralisation "pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés et toutes les fonctions publiques" du forfait mobilités durables, créé par le texte, uniquement pour les entreprises qui le souhaitent.
Les principaux points du texte modifié par le Sénat
Voici les principaux points du projet de loi d'orientation des mobilités, tel que le Sénat s'apprête à le voter mardi en première lecture. Il ira ensuite à l'Assemblée nationale.
Infrastructures
- Priorité est donnée pour les dix prochaines années aux transports du quotidien et à l'entretien des réseaux existants.
- Le Sénat a inscrit la diminution des émissions de gaz à effet de serre parmi les objectifs poursuivis, réaffirmé l'engagement de l'Etat dans la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon-Turin et ajouté l'achèvement de la branche Est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône dans la programmation des investissements.
- Il a ouvert un volet financement, en sanctuarisant les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
Autorités organisatrices
- Tout le territoire sera couvert par des "autorités organisatrices de la mobilité", communautés de communes ou régions, qui auront pour mission de coordonner les modes de déplacements sur leur territoire.
- Le Sénat a renforcé leurs moyens financiers.
Forfait mobilités durables
- Les employeurs qui le souhaitent pourront rembourser à leurs salariés un montant maximum de 400 euros par an, exonéré de charges sociales et fiscales, pour encourager les déplacements domicile-travail à vélo ou en covoiturage.
- Le Sénat a permis son cumul avec le remboursement des frais de transports en commun, et l'a étendu aux frais d'alimentation des véhicules électriques.
Velo
- Pour lutter contre le vol des vélos, le marquage devient obligatoire. Le Sénat a exclu les vélos enfants.
- SNCF et RATP devront réaliser des stationnements vélos sécurisés avant le 1er janvier 2024.
- Le Sénat a prévu que les cars neufs soient équipés d'un système pour transporter au minimum cinq vélos.
- Il a créé un enseignement de l'usage du vélo à l'école à compter de 2022.
Véhicules électriques
- Deviendront obligatoires le pré-équipement de bornes de recharge dans tous les parkings de plus de 10 places des bâtiments neufs ou rénovés, et l'équipement de tous les parkings de plus de 20 places des bâtiments non résidentiels d'ici à 2025.
- Le Sénat a renforcé les obligations de "verdissement" des flottes d'entreprises, VTC, taxis et loueurs automobiles.
Nouvelles mobilités
- Les autorités organisatrices pourront réguler les nouveaux services de déplacement (trottinettes, vélos, gyropodes...).
- Le Sénat a introduit la possibilité pour les collectivités de les soumettre à un régime d'autorisation préalable.
Routes
- Le Sénat a donné compétence aux présidents de département et aux préfets pour relever la vitesse maximale autorisée sur certaines routes aujourd'hui limitée à 80 km/h.
- Les communes pourront mettre en place des "zones à faible émission" (ZFE) interdisant la circulation de certains véhicules polluants dans certaines zones et à certaines heures.
- Les collectivités pourront réserver l'usage de certaines voies de circulation au covoiturage ou aux véhicules les moins polluants.
- Le Sénat a autorisé la réservation de voies de circulation, de façon permanente, sur les autoroutes et routes express, pour faciliter la circulation de certaines catégories de véhicules(taxis, VTC, véhicules "propres", covoiturage...).
- Il a renforcé la sécurité des passages à niveau.
Rail
- Les régions qui le souhaitent pourront gérer directement les "petites lignes" ferroviaires.
- Le Sénat a favorisé le développement de l'offre des trains de nuit et prévu la mise en place d'un numéro d'appel unique pour simplifier l'accompagnement des personnes à mobilité réduite.
Transports en commun
- Le texte fixe le cadre social de l'ouverture à la concurrence des lignes de bus de la RATP.
- Le Sénat a allongé à 72 heures le délai de déclaration individuelle de participation à une grève dans les entreprises de transport terrestre.
- Il a prévu que les services de transport scolaire pourront être ouverts à d'autres usagers dans les territoire ruraux.
- En cas de télétravail, il a exonéré en partie les employeurs du versement transport (participation au financement des transports en commun).
Véhicules autonomes
- Le texte habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour encadrer l'essor des véhicules autonomes.