Alors que des centaines de procédures civiles ont déjà été lancées, la banque, connue en France sous la marque Cetelem, doit désormais affronter un procès pénal pour la commercialisation, de 2008 à 2009, de ces prêts à haut risque auprès de particuliers. Destinés à de l'investissement locatif défiscalisé, ils étaient alloués en francs suisses, monnaie profitant alors de taux d'intérêt plus avantageux, et remboursés dans leur valeur en euros.
Ce montage, qui reposait sur la réputation de stabilité entre les deux monnaies, s'est révélé toxique à mesure que la monnaie unique baissait par rapport au franc suisse, diminuant d'autant la capacité de remboursement des emprunteurs: un euro rembourse aujourd'hui environ 1,14 franc suisse, contre 1,57 au lancement d'Helvet Immo en mars 2008. Les capitaux à rembourser ont fini par flamber, augmentant parfois de plus de 30%.
Conformément aux réquisitions du parquet, les juges ont ordonné le 29 août le renvoi en correctionnelle de cette filiale à 100% de la BNP Paribas, considérant qu'elle avait manqué à "son obligation de clarté dans l'information" aux consommateurs, dont quelque 1.600 se sont portés parties civiles.
BNP Paribas Personal Finance, mise en examen en avril 2015, a assuré au cours de l'instruction que les contrats comportaient des mentions explicites sur ces opérations de change et leurs conséquences.
Exagérément rassurant
Dans leur ordonnance, dont l'AFP a eu connaissance, les juges Claire Thépaut et Aude Buresi pointent au contraire "une offre de prêt confuse, lacunaire et de nature à induire en erreur", "où le risque de change n'est abordé que de manière implicite et allusive".
Outre l'analyse des argumentaires "exagérément rassurants" fournies aux commerciaux pour répondre aux objections des clients, l'instruction s'appuie sur le témoignage d'une ancienne directrice régionale. Celle-ci a confié aux juges que de sérieux doutes existaient dès la commercialisation du produit. Mais ses supérieurs lui auraient répondu que le capital à rembourser "ne pouvait varier que de quelques centimes d'euro".
"On mentait aux collaborateurs BNP lors des formations. Le mensonge portait sur le capital restant dû. (...) C'est ça le scandale", a-t-elle insisté dans son témoignage, qualifié de mensonger par son ancien employeur.
"Je me félicite qu'après plus de trois ans d'enquête (...), l'instruction ait démontré comment la banque a sciemment trompé plusieurs milliers d'emprunteurs", a réagi Charles Constantin-Vallet, avocat de l'association de consommateurs CLCV et de quelque 850 parties civiles.
Selon l'association, près de 800 millions d'euros ont été prêtés via Helvet Immo, soit environ 170.000 euros en moyenne.
BNP Paribas Personal Finance "conteste, comme elle l'a toujours fait, les faits qui lui sont reprochés", a réagi un porte-parole.
"Depuis janvier 2012, plusieurs juridictions (civiles, ndlr) ont rendu des décisions. Une majorité a statué en faveur de BNP Paribas Personal Finance, considérant que l'offre était conforme au droit et qu'il n'y avait pas de manquement à son devoir d'information", a-t-il ajouté.
Deux arrêts de la Cour de cassation du 29 mars 2017 ont cependant cassé certaines de ces décisions, "de sorte que les solutions civiles données à ces litiges (...) ne peuvent donc être valablement invoquées", rétorquent les juges dans leur ordonnance.
Des emprunteurs ont lancé plus de 1.000 actions civiles devant les tribunaux et la CLCV a entamé une action de groupe contre la filiale de BNP Paribas, qui a de son côté proposé des protocoles de transaction et des arrangements.
En 2016, BNP Paribas a été condamnée au pénal à Paris à l'amende maximale de 187.500 euros pour une présentation "commerciale trompeuse" de son épargne "BNP Garantie Jet 3". Ayant fait appel, la banque doit être rejugée l'année prochaine.