Très présent à Bristol dont il est originaire ainsi qu'à Londres, l'artiste avait laissé jusqu'ici peu de traces à Paris: une fausse Joconde au Louvre et un pochoir au palais de Tokyo datant de plusieurs années.
"Avant, Paris n'était pas aussi intéressant pour lui qu'aller en Israël. Le terrain de jeu n'était pas le même. Là, avec les débats sur la crise migratoire, il y a une raison, il y a un contexte", souligne la galeriste Magda Danysz, spécialiste du street art.
L'artiste, qui se plait à garder son identité secrète, a frappé un grand coup en disséminant sur plusieurs jours une série d'oeuvres dans Paris: des petits pochoirs représentant des rats à d'autres plus allégoriques comme ce détournement (dans le XIXe arrondissement) du "Napoléon traversant les Alpes", de Jacques-Louis David, ou cette petite fille noire recouvrant une croix gammée de peinture rose (Porte de la Chapelle).
Cette oeuvre, comme plusieurs autres parmi les huit revendiquées par son auteur sur Instagram, a été dégradée en à peine dix jours.
Un écueil inévitable pour les oeuvres de street art, jugent certains, dans le sillage des oeuvres du Français Invader dérobées pendant l'été 2017 par de faux agents de la ville de Paris.
"La plupart des street artists acceptent le caractère temporaire de leurs oeuvres", affirme à l'AFP Bruno Julliard, premier adjoint à la maire PS de Paris Anne Hidalgo, tout en promettant de veiller à empêcher le vol des Banksy ou qu'ils soient effacés par erreur par les services de nettoyage.
"Je ne pense pas que le but de l'artiste soit de faire des pièces de rue pérennisées. Quand Banksy veut faire une toile, il fait une toile", renchérit la galeriste Magda Danysz, estimant à titre personnel que les dégradations (peinture, tags etc) font "partie du processus" pour les oeuvres de rue.
Lumière sur des quartiers
Sur une position inverse, des aficionados ont recouvert les oeuvres de plexiglas pour les protéger.
"Ça ne me comble pas mais c'est un moindre mal", estime Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l'Icart, une école formant au marché de l'art et collectionneur de street art. Et les Banksy dans le quartier de Shoreditch à Londres "sont recouverts d'un plexiglas", dit-il.
Même son de cloche pour le centre Pompidou: "Banksy ne nous a pas avertis, mais c'est notre devoir de protéger son oeuvre", estime Bernard Blistène, directeur du Musée national d'art moderne, propriétaire du parking choisi par le street artist pour graffer un de ses rats malicieux.
Car les oeuvres de Banksy, un des artistes contemporains les plus cotés au monde, offrent un formidable coup de projecteur sur des sujets forts comme la crise des réfugiés mais aussi sur des quartiers. Signe de la reconnaissance dont il jouit, des élus se sont réjouis de son "invasion" artistique.
François Dagnaud, le maire du XIXe arrondissement, a ainsi estimé sur Twitter que le dessin apparu dans son quartier allait "vite entrer dans le patrimoine de notre arrondissement".
"Banksy a choisi scrupuleusement ses murs: avenue de Flandre c'est un habitat HLM. Ce qu'il attend de nous est qu'on aille plus loin", estime Nicolas Laugero-Lasserre, y voyant une incitation à explorer des secteurs moins courus.
Exemple le plus emblématique de cette démarche: l'oeuvre porte de la Chapelle qui a conduit fans et curieux à se rendre dans ce quartier près du boulevard périphérique, où étaient installés jusqu'à mercredi des consommateurs de crack et où ont longtemps campé des migrants.