La filière forêt-bois "génère près de 400.000 emplois directs et indirects au sein des 60.000 petites, moyennes et grandes entreprises" qui la constituent, rappelle dans la présentation de ce contrat Luc Charmasson, président du comité stratégique de la filière (CSF) bois.
Mais il y a un hic de taille: cette filière représente de manière récurrente 10% du déficit total de la balance commerciale française, et le déficit commercial de la filière s'est nettement creusé en 2017, s'établissant à 6,3 milliards d'euros (+6,1%).
Parmi les pistes mises en avant dans la nouvelle mouture figurent des projets pour développer les usages du bois dans des univers où il est à ce jour peu présent, notamment l'aménagement intérieur, l'urbanisme vert, le luxe, le sport et la santé.
Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB), évoque l'utilisation de bois dans les maisons de retraite, notamment, dont les pensionnaires pourraient bénéficier de ses vertus "apaisantes".
Le plan comporte également des projets de formation pour les dirigeants d'entreprise afin de les préparer aux nouveaux besoins et d'aider les PME à grandir.
Enfin, le nouveau contrat prévoit de profiter des chantiers générés par les Jeux olympiques de 2024 à Paris pour soutenir la filière dans le secteur de la construction.
Parmi les bois utilisés pour ces installations (20% à 30% des matériaux, selon la FNB), les signataires, qui vont constituer un consortium "France Bois 2024", fixent comme objectif d'utiliser du bois "issu à 50% de la forêt française et avec 70% de transformation en France".
Ces projets ont été bien accueillis par le secteur, mais des acteurs de la filière, et non des moindres, déplorent d'avoir été retoqués sur un aspect majeur: l'avenir de la ressource.
"Pas de fonds dans le fonds"
La FNB, qui représente scieurs et transformateurs du bois, réclamait, tout comme les propriétaires forestiers privés, quelque 150 millions d'euros par an pour reboiser la forêt française et l'adapter à l'évolution de la demande, planter des essences adaptées au réchauffement climatique et lutter contre maladies et ravageurs mettant à rude épreuve les futaies hexagonales, comme la chalarose du frêne.
Un plan interministériel annoncé parallèlement vendredi fait bien état de 140 millions d'euros de crédits Etat/Feader (fonds européen) pour améliorer l'accès à la ressource et le reboisement, via le grand plan d'investissement, mais ces fonds sont pour quatre ans.
"Cet argent c'est le même qu'ils nous resservent dans le fonds stratégique de la forêt et du bois. C'est un tour de passe-passe", a par ailleurs dénoncé à l'AFP Nicolas Douzain-Didier.
"Il n'y a pas de fonds dans le fonds. C'est un problème de fond", ironise pour sa part Antoine D'Amécourt, président de Fransylva, principale fédération de forestiers privés, avant de fulminer: "La forêt représente un tiers du territoire national et l'Etat est incapable de mettre 150 millions d'euros dedans!"
Au nom de la contribution de sa filière à une économie "décarbonée", il souhaiterait que soit consacrée au reboisement une faible part de la taxe carbone.
"Il y a un budget et on fait avec le budget. Si tout le monde veut +10%, on va avoir un problème", confie, un brin fataliste, le nouveau ministre de l'Agriculture Didier Guillaume, qui comprend toutefois la demande.
"Les industries n'auront plus de bois d'oeuvre dans 30 ans, si on continue comme ça, on est en train de créer un énorme déséquilibre", insiste M. D'Amécourt, montrant sur son téléphone des photos d'écorces lépreuses de résineux dévorées par des coléoptères, dans une forêt qu'il gère en Dordogne.
Comme le rappelle M. Charmasson, un premier accord de filière avait été signé pour la période 2014-2017.
A l'époque, la FNB, qui réclamait déjà un effort financier de l'Etat pour reboiser, avait refusé de signer. Elle n'a cette fois pas voulu briser l'unité de la grande famille du bois.