Dans son logement parisien des années 1970, Amélie, 42 ans et dont le prénom a été modifié à sa demande, aurait aimé qu'il en soit autrement. "Je suis plutôt écolo, je fais tout pour, mais je pense que je vais finir par installer un climatiseur", déplore-t-elle auprès de l'AFP.
Chez elle, "de juin à septembre, il fait souvent 4 degrés de plus que dehors et parfois jusqu'à 30-31°C les jours où il fait le plus chaud".
Une chaleur constante qui pèse sur le moral de cette habituée du télétravail, mère d'un petit garçon.
Propriétaire mais ne jouissant pas de revenus suffisants pour envisager d'importants travaux - les seuls qui permettent de toucher une aide de l'Etat conséquente -, Amélie s'est un temps rabattue sur des solutions plus faciles à installer, comme des volets ou des stores bannes, avant d'être déçue par leur faible efficacité ou les difficultés que posent les règles de son immeuble.
A l'instar d'Amélie, Vincent, travailleur indépendant de 38 ans qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, ne peut se résoudre à l'achat d'un climatiseur dans son appartement toulousain pour des raisons écologiques et économiques. Mais les solutions à sa portée en tant que locataire – vivre "rideaux et volets fermés" - ne l'empêchent pas de vivre un "calvaire la nuit et de travailler toute la journée torse nu, sans pouvoir faire chauffer de la nourriture ou (s)'asseoir sur le canapé."
Pour beaucoup de locataires comme Vincent, seule solution: les climatiseurs mobiles.
"Tous les résidents de mon immeuble sont maintenant équipés de climatiseurs à roulette," témoigne Mme K., 48 ans, auprès de la Fondation Abbé Pierre, qui publie jeudi une nouvelle édition de son étude sur les logements bouilloires, faisant le constat que plus de la moitié des Français ont eu trop chaud chez eux en 2023.
190.000 vies sauvées par an
"Il y a une course de vitesse entre l'adaptation low-tech, - meilleure isolation, volets, store bannes -, et la solution de facilité de court terme, la climatisation notamment mobile" explique auprès de l'AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
Et comme la climatisation "n'est pas chère à l'achat" et a une efficacité immédiate, "s'il n'y a pas de politique publique pour favoriser l'adaptation vertueuse, comme les volets ou les stores bannes, forcément, c'est la mal-adaptation, la climatisation, qui va l'emporter", estime Manuel Domergue.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que la climatisation sauve des vies dans le monde: 190.000 par an entre 2019 et 2021, le fait d'habiter dans un foyer avec un climatiseur réduisant de trois quarts le risque de décès.
Or si 78% des Nord-américains et 47% des Asiatiques possédaient la climatisation en 2022 selon l'AIE, c'est le cas de seulement de 19% des Européens.
La réticence à la climatisation est parfois très marquée dans certaines régions européennes. Dans le canton de Genève en Suisse, un particulier doit répondre à des conditions très particulières pour être autorisé à installer un climatiseur chez lui, comme l'obtention d'un certificat médical, détaille l'Office cantonal de l'énergie.
Le village olympique des Jeux olympique de Paris avait par ailleurs été très critiqué par les délégations pour son absence de climatisation pour des raisons écologiques. Ces dernières avaient fini par commander 2.500 climatiseurs mobiles pour leurs athlètes.
En 2020, des chercheurs du Cired (sous la tutelle du CNRS) et du laboratoire de recherche de Météo-France ont modélisé l'impact sur la région parisienne qu'aurait une canicule similaire à celle qu'a connu la France en 2003, selon qu'on utilise la climatisation ou des solutions alternatives.
Dans le deuxième cas, en cumulant augmentation des espaces verts et travaux de rénovation de l'habitat, les Franciliens seraient toujours exposés 6 heures par jour à une température supérieure à 32°C.
Les solutions alternatives "ne semblent pas suffisantes pour annuler le stress thermique causé par les futures vagues de chaleur si aucune climatisation n'est utilisée," concluaient les chercheurs.