Le projet de loi "Elan" (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), examiné pendant neuf jours et neuf nuits, a été adopté en première lecture avec les voix des députés LREM et MoDem, tandis que les élus UDI-Agir ont opté pour une "abstention bienveillante".
Comme LR, qui a dénoncé "une occasion manquée", les trois groupes de gauche ont voté contre, dénonçant à l'instar des Insoumis un projet qui "ne fera qu'aggraver les inégalités" et une loi de "rupture" qui fait du logement "un bien marchand" et plus un droit, selon le communiste Stéphane Peu.
A l'issue du vote, le ministre de la Cohésion des Territoires Jacques Mézard et le secrétaire d'Etat Julien Denormandie ont salué dans un communiqué commun l'adoption à "une large majorité" du texte, qui poursuit "deux objectifs: libérer la construction en levant les verrous et protéger les plus fragiles".
Plusieurs élus ont saisi l'occasion du vote solennel pour dénoncer à nouveau l'organisation des discussions. Le recours au "temps législatif programmé" a conduit, selon François Pupponi (PS), à étirer "les débats de manière déraisonnable tout en réduisant le temps de parole des petits groupes", ce qu'a récusé le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM).
Les principales mesures du Projet de loi "Elan" sur le logement
Transformation de bureaux en logements facilitée
- Pour renforcer l'attractivité de la transformation de bureaux en logements, est prévu un "bonus de constructibilité", c'est-à-dire une surface constructible supplémentaire (fixé à 30%)
- Possibilité aussi de déroger aux obligations de mixité sociale prévues par les plan locaux d'urbanisme (PLU), sauf dans les communes "carencées" en logements sociaux
- Possibilité pour le préfet de réquisitionner des bureaux pour faire de l'hébergement d'urgence
Loi Littoral
- Dérogations pour permettre de nouvelles constructions dans les "dents creuses" (parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau) mais strictement encadrées. Les constructions ne pourront ainsi pas se faire "dans la bande des 100 mètres" du littoral, ou "dans les espaces proches du rivage" et une urbanisation dans les "dents creuses" ne pourra porter atteinte "à l'environnement ou aux paysages"
Accessibilité pour les handicapés
- Passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve, les 90% restants devant être "évolutifs", c'est à dire rendus accessibles à l'issue de travaux simples
Nouveau "bail mobilité"
- Nouveau bail mobilité, conclu pour une durée de un à dix mois, non reconductible (si le premier bail est de moins de dix mois, il pourra être prolongé par avenant, sans dépasser cette durée). Ce bail est destiné aux personnes en formation, études supérieures, stage, apprentissage, engagement volontaire dans le cadre d'un service civique ou mission temporaire professionnelle
- Aucun dépôt de garantie ne pourra être exigé par le propriétaire et le locataire pourra bénéficier de la garantie Visale (Visa pour le logement et l'emploi)
Évolutions du logement social
- Les organismes HLM gérant moins de 15.000 logements devront faire partie d'un groupe d'organismes à compter de 2021
- Nouvelles compétences pour les bailleurs sociaux, telles que la construction d'équipements locaux d'intérêt général ou la fourniture de services d'animation sociale en faveur des personnes âgées ou handicapées occupant un logement social
- Le recours à un concours d'architecture est rendu optionnel pour les projets de construction de logements neufs
- Mesures pour faciliter la vente des HLM, avec l'objectif d'atteindre 40.000 ventes par an, contre 8.000 actuellement. La vente se fera notamment au prix fixé par le bailleur, et non plus au prix estimé par le service des domaines. Les occupants des logements seront prioritaires à l'achat mais la vente en bloc, c'est-à-dire par lot de plusieurs logements, sera autorisée à des acteurs privés
- Ces logements resteront comptabilisés pendant dix ans (et non plus 5) dans les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU
- Une ordonnance permettra aux bailleurs sociaux d'adapter leur politique de loyer à titre expérimental pour mieux prendre en compte la capacité financière des ménages
- La situation des locataires sera réexaminée tous les trois ans dans les zones tendues
Encadrement des loyers
- L'encadrement des loyers est rendu optionnel et expérimental pour 5 ans. Il peut s'appliquer sur une partie seulement du territoire de l'intercommunalité volontaire
- Le préfet peut prononcer une amende administrative contre un bailleur si le loyer de base dépasse le loyer de référence majorée (jusqu'à 15.000 euros pour une personne morale)
Encadrement des locations touristiques du type Airbnb
- Système de sanctions renforcé contre les propriétaires et les plateformes ne respectant pas leurs obligations
- Les propriétaires ne procédant pas à l'enregistrement de leur logement ou refusant de transmettre le décompte du nombre de jours au cours desquels un meublé a été loué pourront se voir infliger des amendes allant de 5 à 10.000 euros. Les plateformes ne transmettant pas le décompte des nuitées ou continuant de proposer des résidences principales ayant déjà été réservées plus de 120 jours dans l'année risquent de devoir payer 50.000 euros
Lutte contre les marchands de sommeil
- Création d'une présomption de revenus imposable pour certains délits en matière d'habitat indigne (similaire à celle appliquée au trafic de stupéfiant ou aux crimes en matière de fausse monnaie)
- Les peines complémentaires de confiscation des biens des marchands de sommeil et d'interdiction d'acquisition de nouveaux biens immobiliers pour une
durée de cinq ans seront obligatoires