Conçue pour compenser la baisse des APL, la RLS est financée par les bailleurs sociaux via une baisse de loyer correspondant à la baisse des APL. La RLS se traduit donc pour les organismes par une baisse des résultats d'exploitation et de leurs capacités d'autofinancement d'ores et déjà mesurable par les offices eux-mêmes. Or les compensations prévues par les pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur des enjeux de la transformation du logement social.
L'impact chiffré de la RLS pour les organismes
D'après une enquête réalisée en mai dernier par la FOPH (Fédération nationale des Offices Publics de l'Habitat) auprès de ses adhérents, 66% des offices ayant répondu et représentant la moitié du patrimoine déclarent qu'ils vont diminuer leur programme d'entretien par rapport à 2017 de - 8,3% en moyenne en 2018, -10,33% en 2019 et - 10,4% en 2020. 41% d'entre eux diminueront le montant de leurs investissements dans l'offre neuve entre 2017 et 2020 et 45% prévoient le gel des embauches ou le non remplacement des départs en retraite et/ou le gel des salaires.
Pour Seine Saint Denis Habitat, plus grand organisme de logement social du département qui gère 31 891 logements et dont plus de 13 000 locataires sont APlisés, la RLS représente près de 6,5 millions d'euros en 2018. Concrètement la mise en œuvre des mesures de la loi de finance 2018 (RLS, TVA, gel plafonds, cotisation CGLLS) coûteront 11,7 millions d'euros au bailleur ce qui correspond à la quasi-totalité de son autofinancement courant en 2017. En 2017 12 millions d'euros ont été consacrés aux remplacements de composants et aux opérations de tout type (neuf et réhabilitation). En outre les projets de rénovation urbaine dans lesquels l'office est engagé, sont également menacés puisque la RLS et les règles actuelles de financement de l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) génèrent une impasse financière estimée entre 100 et 150 millions d'euros en 2027 pour Seine-Saint-Denis habitat.
Pour Territoire Habitat qui gère 11 310 logements sur le département du territoire de Belfort et dont 5 495 locataires bénéficient de l'APL, la RLS représente 1 980 000€ en 2018. Il en résultera notamment une réduction de 43,4% des logements mis en chantier en 2018, un arrêt total de la programmation dès 2019, et 5,1 millions d'euros de travaux en moins pour les 9 années à venir. En outre, 329 logements identifiés à la démolition par le PSP (Plan stratégique de patrimoine) voté en 2017, ne pourront être démolis du fait de l'asséchement du potentiel financier par la RLS.
Des compensations qui en l'état, ne permettent pas aux offices de mener à bien leurs missions
La diminution des résultats d'exploitation liée à la mise en place de la RLS, est censée être compensée par la baisse des charges d'endettement via un maintien du taux du livret A et par la réduction des « charges de structure » des organismes. Cependant, d'une part les effets du maintien du taux du livret A ne seront pas aussi massifs et rapides que ceux de la RLS et d'autre part la restructuration du tissu des organismes risque d'alourdir les dépenses à court terme. Dès lors réduire les charges courantes nécessitera une diminution des dépenses d'entretien nuisant à la qualité du service rendu aux locataires et au maintien des bâtis en état correct, au risque d'accélérer ou d'alourdir les besoins en réhabilitation ultérieurs.
La baisse des capacités d'autofinancement doit, quant à elle, être compensée par un recours supplémentaire à l'endettement et un accroissement des ventes qui n'est pas aisé et ne peut connaitre une forte accélération.
Comme les calendriers des effets de la RLS et des compensations ne coïncident pas, les dépenses en cours doivent être atténuées par un allongement de dette qui apparaît en définitive comme un report de charges, et une nouvelle forme d'endettement.
In fine la baisse de la dépense d'APL de l'Etat qui réduit par ce biais son déficit a pour corollaire une hausse de la dette du secteur Hlm.
Enfin pour compenser les effets de la RLS et la rendre moins « injuste » (un bailleur social logeant plus de bénéficiaires de l'APL étant plus pénalisé), un mécanisme de péréquation doit à la fois :
- Par le « lissage » : assurer la viabilité à court terme des organismes et ne pas « pénaliser » les organismes accueillants plus de locataires APLisés que la moyenne.
- Par l'intervention de la CGLLS (Caisse de garantie du logement Locatif Social) : accompagner dans leur restructuration les organismes mis en difficulté par la RLS.
Aujourd'hui, les cotisations que versent les bailleurs sociaux à la CGLLS ont déjà été lissées. Cette rapidité dans l'exécution ne peut s'établir que sur la base d'une modélisation qui ne prend pas en compte la réalité de la RLS, notamment les disparités dues au zonage ou aux compositions familiales. La RLS est ainsi modélisée à plus ou moins 4% des loyers des organismes.
En outre, une enveloppe de 100 M€ est prévue pour doter la future « commission de péréquation » prévue dans la loi de finances 2018.
Mais cette commission de péréquation n'est pas encore installée et le mode opératoire de la détermination et du déploiement des aides à la restructuration n'est pas fixé.
Pour mettre en œuvre la péréquation prévue par la Loi de finances et accompagner la constitution des groupes et des Sociétés de Coordination en particulier, la Fédération demande que le mécanisme de péréquation soit instauré comme prévu par le Gouvernement dans la loi de finances 2018 et que le coût réel des fusions/regroupements soit effectivement porté par la commission de réorganisation de la CGLLS au bénéfice de l'ensemble des bailleurs.