Depuis avril, syndicats (à l'exception de la CGT) et patronat discutent de "la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel" de 2018 avec l'objectif de faire des propositions d'évolution début juillet. En les attendant, le gouvernement a commencé à les réunir parallèlement début juin.
Le sujet le plus épineux sera celui du financement. L'organisme régulateur, France compétences, qui redistribue l'argent collecté auprès des entreprises, s'attend à un déficit de 2,5 milliards d'euros cette année.
La faute un peu au Covid côté recettes mais surtout à la montée de trois grosses dépenses: l'apprentissage (6,1 milliards), le CPF (1,9 milliard) et la formation des chômeurs (PIC, 1,6 milliard).
"Il y a des choses qui marchent mieux que prévu. Plus de 500.000 contrats d'apprentissage cette année, ça entraîne plus de dépenses que 340.000 en 2019. Il y a le CPF qui marche du feu de dieu. Évidemment nous souhaitons maintenir ces deux dispositifs à ces niveaux", souligne-t-on au ministère du Travail.
Mais pour retrouver l'équilibre de France compétences, exigé par la loi pour 2022, l'équation sera complexe.
Côté recettes, Michel Beaugas (FO) réclame une "hausse de la contribution des employeurs", une "ligne rouge" pour le président délégué du Medef Patrick Martin pour qui "ce n'est pas aux entreprises de financer les chômeurs".
Côté dépenses, sur l'apprentissage, le gouvernement a prolongé les aides au recrutement (5.000 euros pour un mineur, 8.000 pour un majeur).
Mais France compétences devrait réexaminer les niveaux de prise en charge de certaines formations, en veillant à ne pas fragiliser les ressources des CFA. Dans le supérieur, certaines écoles ont été aussi accusées de profiter d'effets d'aubaine en basculant dans l'apprentissage.
"Dévoiement du CPF"
Côté CPF, le gouvernement exclut de remettre en cause l'alimentation du compte à hauteur de 500 euros par an (800 pour les peu qualifiés).
Malgré le confinement, le nombre de formations demandées est passé de 630.000 en 2019, à 1,1 million en 2020 et 1,6 million en 2021. Cette montée en charge a été musclée par le lancement de l'application "Moncompteformation", téléchargée 2,6 millions de fois depuis son lancement fin 2019, qui permet de s'inscrire à une formation sans intermédiaire.
"Le CPF a l'énorme avantage de donner accès à la formation à tout le monde alors qu'historiquement ce sont les salariés qualifiés qui y accèdent. 73% des stagiaires sont employés ou ouvriers et 39% ont un niveau de formation bac ou infra", se réjouit le ministère.
Mais, dans un document aux partenaires sociaux, le ministère reconnaît qu'il reste "des écueils à lever": "contrôle des organismes" présents sur la plateforme et des certifications délivrées, "évaluation de la pertinence des formations avec le marché de l'emploi" ou encore "les fraudes" avec un démarchage abusif des salariés.
Il rejoint le constat des organisations syndicales et patronales, réticentes depuis le départ à la logique individuelle du CPF.
"Il y a eu un dévoiement du CPF. L'argent du CPF sert à tout, ce n'est pas forcément pour que les salariés puissent faire de la transition professionnelle ou augmenter leur niveau de qualification", regrette Michel Beaugas (FO).
Les partenaires sociaux se demandent par exemple si c'est bien au CPF de financer le permis de conduire, première formation demandée, et voudraient contrôler l'offre foisonnante de formations "bilans de compétences" ou "création d'entreprises".
Si l'abondement au CPF par les branches ou les entreprises est désormais possible, M. Martin veut "plus d'implication de l'entreprise dans le choix et le fléchage des formations".
"En l'état l'adéquation entre les formations les plus choisies (comme les langues) et les besoins du marché n'est pas optimale", juge-t-il, avec pas suffisamment de formations sur le numérique et la transition écologique.
Admettant un "enjeu" réel, le ministère souhaite se mettre d'accord avec les partenaires sociaux sur "une grille commune d'indicateurs" permettant d'évaluer l'utilité d'une formation.