À l’heure où les territoires peuvent être maîtres de leur destin énergétique, AMORCE a appelé les pouvoirs publics à repenser leurs actions en matière de transition énergétique dans une vision long terme. Sortir de la gestion de crise, des plans d’urgence et des boucliers tarifaires devient une priorité pour être à la hauteur des enjeux de notre temps, ainsi que celui des générations futures. Il est également indispensable que les collectivités prennent position individuellement et collectivement sur le futur énergétique de la France et le projet de société qui en découle.
Des plans de sobriété pour résister face aux crises à consolider
En octobre 2022, le Gouvernement avait présenté les grandes mesures de son plan de sobriété énergétique, appliqué à l’ensemble des secteurs lors du dernier hiver afin de réduire la consommation énergétique et limiter les risques de coupure d’électricité ou de rupture d’approvisionnement de gaz. Dans ce cadre, AMORCE avait, en parallèle des actions du Gouvernement, mis en place un groupe de travail l’été dernier regroupant plus de 200 collectivités pour aboutir à un “Plan d’urgence sobriété : 10 actions pour aider les collectivités à passer l’hiver et autres pistes de travail”, réalisé avec l’AMF, Intercommunalités de France et le soutien de la Banque des Territoires. Par ailleurs, le Gouvernement a intégré cette contribution d’AMORCE à son plan de sobriété, défendant ainsi les intérêts des collectivités.
Parmi les solutions principales proposées par AMORCE, citons la nécessité pour les collectivités d’établir une estimation globale des consommations d’énergie des bâtiments et services pour cibler les priorités d’actions. À ce titre, et alors que la réduction de l’empreinte énergétique des bâtiments reste un enjeu prioritaire, AMORCE propose un outil en ligne gratuit, indépendant et rapide d’utilisation pour accompagner les collectivités locales dans la rénovation énergétique de leur patrimoine bâti : eSHERPA
Mais après l’urgence de cet hiver révélant un certain manque de moyens pour les collectivités pour piloter l’ensemble des consommations (outils, équipements, ressources humaines adaptées à la maintenance et à l’animation comportementale), il convient désormais de dépasser la logique du court terme et basculer dans un modèle pérenne. C’est pourquoi AMORCE poursuit sa participation dans les groupes de travail de l’acte 2 du plan de sobriété énergétique mené par le Gouvernement et appelle notamment à :
- Des mesures permettant l’augmentation des moyens humains des collectivités dédiés à la maitrise de la demande en énergie ;
- Des assouplissements quant à la limitation des dépenses de fonctionnement quand elles sont liées à la mise en œuvre de mesures en faveur de la transition énergétique ;
- D’aides financières ciblées sur les dépenses de fonctionnement en plus de celles prévues sur les dépenses d’investissement ;
- D’appui par les services de l’État en ingénierie pour les plus petites collectivités et diffusion de l’outil eSHERPA pour les aider à identifier les actions à mener prioritairement sur leur patrimoine ;
- Des financements supplémentaires dédiés aux opérations de maitrise de la demande en énergie menées par les collectivités à court et long terme : aides sur les équipements de régulation, augmentation et priorisation des financements vers les rénovations globales, etc ;
- Entamer une réflexion sur la dette spécifique des collectivités qui serait liée à des investissements en matière d’efficacité énergétique : assouplir les contraintes sur l’endettement spécifiquement lié à la maitrise de la demande en énergie et/ou sécuriser les emprunts au niveau national pour les collectivités. La prise en compte de cette demande est nécessaire pour aider les collectivités à faire face au «mur d’investissement» à franchir ;
- Des nouvelles prérogatives pour les collectivités locales pour accompagner la transition énergétique.
En tout état de cause, il est nécessaire d’articuler la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et le développement d’énergies renouvelables locales.
Une loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables en demi-teinte
En retard sur les objectifs européens, la France avait l’occasion, à travers la loi d’accélération des EnR, de marquer un véritable engagement vers la transition énergétique dans toutes ses composantes en faveur des EnR dans les territoires, tout en évitant le recours massif aux énergies fossiles et nucléaires.
Il faut souligner l’adoption de plusieurs mesures techniques soutenues par AMORCE (libération du foncier, accélération des procédures d’instruction, création d’un fonds de garantie pour les porteurs de projets) et qui devraient favoriser le développement et l’implication des collectivités dans les projets EnR (renforcement de la participation des collectivités à des sociétés de projets, ainsi qu’aux communautés d’énergie), ou encore la prise en compte, enfin, de la possibilité d’appels d’offres régionalisés avec des tarifs différenciés en fonction de plusieurs critères. Pour autant, ce texte reste insuffisant pour rattraper le retard pris et encore moins pour atteindre de nouvelles ambitions.
Des mesures trop complexes d’abord, car la modification de la planification locale de la production des EnR, par exemple, portant la création des zones d’accélération des EnR, n’est pas la plus adaptée pour certaines communes qui attendent de l’État un accompagnement précis et des moyens humains suffisants pour lever les obstacles techniques et administratives permettant la réalisation concrète des projets.
Des mesures inégales ensuite, tant le peu de place accordée à la chaleur renouvelable et de récupération est à déplorer. Alors que la chaleur représente 50% des consommations du pays et reste très majoritairement carbonée, ne pas s’appuyer sur les énergies renouvelables et de récupération thermiques, qui possèdent un grand potentiel de développement et sont produites localement au plus proche des consommateurs, apparaît comme une lourde faute.
Ce manque de moyens, de places et d’ambitions accordés au développement de projets d’EnR, et particulièrement la chaleur renouvelable et de récupération, apparaît complètement disproportionné en comparaison des mesures favorisant le développement du nucléaire. AMORCE alerte sur le fait que la sortie de la dépendance aux énergies fossiles ne passera pas uniquement par le développement d’énergies électriques, mais aussi et surtout par le développement de la chaleur renouvelable et de récupération, au plus proche des consommateurs et à l’échelle des territoires.
Pour accélérer le changement de notre système énergétique et repenser les stratégies à long terme, l’élaboration de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) est la prochaine échéance, et l’un des derniers leviers en notre disposition, pour enfin engager le véritable tournant espéré par les territoires.
Pour une grande politique énergétique alliant durabilité économique et environnementale : les futures PPE et Stratégie nationale bas carbone comme leviers d’actions !
À quelques mois d’une nouvelle Loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), dont il a été confirmé qu’elle serait débattue à partir de cet été, qui devra guider ensuite l’élaboration de la PPE et de la Stratégie nationale bas carbone pour les 5 années à venir, il est plus que jamais temps de dépasser le courtermisme qui a prédominé ces derniers mois et de réfléchir avec l’ensemble des acteurs concernés à une politique ambitieuse coordonnant objectifs ambitieux et moyens (humains et financiers) affectés pour être à la hauteur des enjeux.
AMORCE fait aussi le constat, qu’en complément des scenarii existants et proposés par les acteurs nationaux, il manque celui qui serait porté et défendu par les territoires, un scenario emportant des transformations que les collectivités s’engageraient à porter collectivement. Une voix différente évitant la trop grande centralisation des débats alors même que la transition énergétique repose nécessairement sur une part de décentralisation des responsabilités, pouvoirs et moyens.
Dans cet esprit, AMORCE lance l’élaboration d’un scenario territorial de transition énergétique avec les associations de collectivités intéressées et reposant sur les grandes orientations suivantes :
- Prioriser une forte réduction de la consommation énergétique sur les territoires avec des collectivités exemplaires ;
- Privilégier le recours aux énergies renouvelables et de récupération locale ;
- Favoriser la gouvernance partagée des projets et la mobilisation de tous les acteurs locaux.
Dans cette proposition, la chaleur et le froid renouvelables et de récupération doivent prendre une place prépondérante. Trop souvent oubliés ces dernières années, AMORCE appelle à les remettre au cœur du débat. Un développement massif des réseaux de chaleur et de froid et un mix 100% EnR&R en 2050 est non seulement possible mais indispensable.
Ce colloque est la première pierre posée de ces travaux et un appel aux forces vives intéressées. C’est également un appel des territoires envers l’État qui réaffirment être au cœur des enjeux de l’avenir énergétique du pays et escomptent bien être écoutés et s’inscrire pleinement dans cette perspective.