En un demi-siècle, la population de la capitale afghane a été multipliée par 15, entre exode rural, arrivée massive de déplacés de guerre et développement du secteur public.
Ses routes et infrastructures, elles, n'ont pas bougé depuis un grand plan dessiné dans les années 1960 et jamais appliqué à cause des guerres à répétition.
Partout, sur les grands axes, les autorités talibanes --de retour depuis août 2021-- ont lancé bulldozers et autres pelleteuses pour, disent-elles, fluidifier les embouteillages et surtout mettre le hola aux constructions illégales.
Si les responsables et certains habitants saluent des réaménagements attendus de longue date, d'autres, surtout les plus vulnérables, ont perdu logement ou commerce.
En octobre, M. Naïm a reçu l'ordre fatidique: une lettre officielle l'informait qu'il avait dix jours pour démolir la grande majorité de son immeuble car il empiétait sur une route en cours d'élargissement.
"Les autorités veulent aménager des routes et c'est une avancée positive pour construire le pays", assure à l'AFP ce père de six enfants âgé de 45 ans.
Il admet qu'une large part de son immeuble est "illégale" mais espère obtenir l'indemnisation promise pour reloger sa famille "loin de la poussière et du brouhaha".
En attendant, il survit dans ce qui reste de son immeuble: deux pièces et une cuisine protégée par une bâche en haut d'un escalier démoli.
Dommages et intérêts
Nematullah Barakzai, cadre à la municipalité, assure à l'AFP que les autorités ont déjà versé cette année plus de 28,5 millions d'euros de dommages pour 165 projets en cours, dont 89 concernent des routes.
"Si on veut une ville bien organisée avec un accès équitable de tous aux services municipaux, il faut un plan urbain (...) Toutes ces routes sont essentielles", dit-il.
"On nous informe que ces terres appartiennent au gouvernement mais il fallait le dire avant!", se lamente Najiba (son prénom a été modifié), veuve et mère de quatre enfants.
"Je veux qu'on me rembourse ou qu'on me donne un terrain, je n'ai rien d'autre", explique-t-elle, un an et demi après avoir vu sept des huit pièces de sa maison rasées, sans avoir été indemnisée.
Farhad Barakzai pensait, lui, inaugurer son immeuble tout juste terminé.
A la place, il s'attelle à démanteler le bâtiment de 13 étages après avoir reçu l'ordre de le démolir et se dépêche de récupérer huisserie et robinetterie qu'il espère revendre ou réutiliser.
Contrairement à nombre de ses voisins, il assure avoir "rempli toutes les conditions administratives" pour construire légalement son immeuble.
Mais, assure-t-il à l'AFP, le plan d'aménagement a évolué: deux mosquées ont été construites et les autorités "ne veulent pas les détruire donc elles démolissent plutôt (son) immeuble".
Sans-abris
En deux ans, plus de 132 km2 de terrains publics ont été récupérés à Kaboul, selon le ministère de la Justice.
Les premiers visés sont les familles les plus pauvres, accusent des ONG.
En juin, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) rapportait que plus de 800 familles s'étaient retrouvées sans abri à Kaboul. Soient 6.000 personnes jetées à la rue après que les autorités ont détruit des camps informels de déplacés.
Selon des informations obtenues par l'AFP, en tout, 3.515 familles ont été forcées de quitter leurs maisons lorsque sept quartiers informels ont été démantelés entre avril et octobre.
Environ 70% de ces familles se sont réinstallées en périphérie de la capitale, où trouver à se loger est de plus en plus onéreux, selon ces informations.
Imitant les ouvriers venus quelques semaines plus tôt détruire sa maison, le plus jeune des fils de M. Naïm donne des coups de marteau sur des pans de mur écroulé.
"Il croit encore que c'est un jeu" raconte sa mère à l'AFP.
"Mais parfois il demande: +Dis papa, tu construiras une nouvelle maison ?+".