"Je pense que (...) nous sommes déjà rentrés en légère récession. Toutes les dernières estimations publiques ou d'organismes économiques, à demi-mot, le disent", regrettait M. Martin dimanche dans le JDD, citant les "66.000 dépôts de bilan cette année", ou les investisseurs étrangers qui voulaient investir en France et qui ont pour l'instant suspendu leurs projets.
Quand ce ne sont pas les grandes entreprises françaises qui lorgnent vers l'étranger par exaspération envers les procédures administratives, comme les patrons de TotalEnergies et d'EDF, Patrick Pouyanné et Luc Rémont.
Lors du congrès de l'Union française de l'électricité à Paris (UFE), mardi, le premier s'est dit prêt à "faire des arbitrages vers des pays qui sont plus accueillants", comme l'Allemagne, le second estimant que c'est "l'enfer d'investir en France" en raison des réglementations, qui ne sont pas près de s'alléger en l'absence de gouvernement.
"Stabilité et vision"
Les dernières enquêtes d'opinion, tant chez les ménages que chez les entreprises, marquent des pertes de confiance, peu propices aux achats, aux investissements, aux embauches, et donc à la croissance.
Alors que les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoyaient un alourdissement des charges sociales et de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises - qui vont donc y échapper au moins temporairement grâce à la censure - celle-ci a pourtant provoqué "le dépit" ou "la colère" des patrons.
Car ils ont avant tout "un besoin impérieux de stabilité et de vision" pour le pays, a ajouté lundi Dominique Carlac'h, membre du conseil exécutif du Medef, sur Radio Classique.
"On est, si on veut, dans un début de récession", remarque Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, qui prévoit un PIB en recul de 0,1% au quatrième trimestre, après une progression de +0,4% au troisième, largement liée à l'effet des Jeux olympiques et paralympiques.
Mme de Montpellier entrevoit une croissance nulle, ou de 0,1%, au premier trimestre 2025. La récession se définissant techniquement comme deux trimestres consécutifs de baisse du PIB, "je décrirais plutôt la situation actuelle comme une stagnation", précise-t-elle auprès de l'AFP.
"Image catastrophique"
Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a déclaré pour sa part, dimanche sur LCI, "ne pas avoir la sensation qu'on soit dans une phase de récession", même si "la pente est un peu plus sévère". Il craint plutôt "une forme d'enfoncement" économique du pays.
Même avis du côté de la Caisse des Dépôts. "Nous n'anticipons pas pour l'année prochaine de récession", a estimé mardi sur BFM Business son directeur général Eric Lombard, jugeant que "l'économie résist(ait) bien," malgré des "secteurs en difficulté" et des embauches décalées.
Dans son enquête de conjoncture mensuelle, la Banque de France souligne mardi que la stabilité du PIB qu'elle attend au quatrième trimestre repose notamment sur l'effet mécanique négatif d'un contrecoup à la solide croissance (+0,4%) de l'été, à présent que les Jeux olympiques et paralympiques sont terminés.
Mais que, hormis cet effet, l'activité économique a crû de 0,2%, ce qui est honorable.
Les marchés sont encore loin de s'être affolés sur la situation de la France et de l'étrangler par une poussée des taux d'intérêt qui dégraderait plus encore un déficit public attendu au-delà de 6% du PIB cette année.
Pour l'ensemble de 2024, quasiment tous les instituts, dont l'Insee et la Banque de France, calculent une croissance du PIB de 1,1%, conformément à la prévision du gouvernement. Prédisant la même croissance en 2025, Bercy paraît cependant un peu optimiste. Asterès l'estime à 0,8%, ING à 0,6%. Mais là encore, on est loin d'une récession annuelle.
Aujourd'hui, selon le chef économiste d'Asterès Sylvain Bersinger, la situation n'est simplement "pas saine, avec pas de gouvernement ni de budget", et "l'image qu'on renvoie est catastrophique". "On aurait besoin rapidement d'un gouvernement qui ait les idées claires et un programme", selon lui.
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