Installé à Beauvau depuis à peine plus de deux mois, le sénateur de Vendée ne cache pas sa volonté de rester en poste pour récolter les fruits de ses mesures annoncées pour lutter contre la délinquance, le narcotrafic et l'immigration.
"Il y a un vrai moment Retailleau chez une partie des Français", reconnaît sur Sud Radio le directeur général de l'Ifop Frédéric Dabi, estimant qu'il a saisi l'occasion de son passage au ministère pour prendre la lumière et "créer quelque chose".
Souvent présenté comme l'un des rares poids lourds de l'exécutif de Michel Barnier, le ministre démissionnaire, qui se rend mardi à Londres pour une réunion sur l'immigration, a récemment assuré devant les militants LR de Paris que les premiers résultats de sa politique sécuritaire se verraient "dans quelques mois".
La censure de Michel Barnier a contrarié ses plans et son entourage prend à témoin les sondages favorables pour plaider pour son maintien à Beauvau.
Malgré des déclarations polémiques sur l'immigration qui "n'est pas une chance", l'ancien patron des sénateurs LR a renversé la tendance au sein des macronistes qui lui étaient initialement hostiles, à l'image de Roland Lescure qui avait balayé d'un revers de main sa volonté de déposer une nouvelle loi sur l'immigration.
Témoin de ce changement de ton, le message envoyé dimanche sur RTL par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, issue de la gauche du camp présidentiel, qui a plaidé pour que Bruno Retailleau reste en poste, allant jusqu'à assurer qu'elle partageait les "mêmes valeurs".
Plus enthousiaste encore, le député Renaissance Karl Olive, un ex-LR, plaide carrément pour sa nomination à Matignon, assurant que sur le terrain son nom résonne "en lettre majuscules", le Vendéen n'ayant pas ménagé ses efforts pour saturer l'espace médiatique et politique durant son bail.
"Il est devenu le symbole de quelque chose", admet une source du MoDem, sur la même ligne que le centriste Hervé Marseille pour qui le prochain gouvernement doit être "représentatif de toutes les sensibilités du bloc central".
"Bruno Retailleau est la caution régalienne" du futur gouvernement, estime un ancien conseiller ministériel de premier plan qui juge "difficile" pour le futur exécutif de se passer d'une "personnalité appréciée des Français qui veut mettre l'immigration et l'ordre sur le haut de la pile".
Une "imprudence" ?
Le patron des députés LR Laurent Wauquiez, qui lui-même se voyait à Beauvau pour se projeter dans la course à la présidentielle, a souhaité sans ambiguïté dans Le Figaro que "Bruno Retailleau puisse continuer son action au ministère de l'Intérieur".
Mais au sein des Républicains, parti qui cherche toujours une incarnation pour l'Elysée, la stratégie du ministre de l'Intérieur démissionnaire laisse parfois perplexe.
Un cadre du parti n'hésite pas à parler d'"imprudence", le ministre ayant fait part de sa volonté de rester en place sans connaître ni le nom du prochain Premier ministre ni la "marge de manoeuvre" dont il disposera.
Une façon d'exprimer la crainte chez LR d'un gouvernement élargi au PS qui ne laisse que très peu d'espace à la droite. Et que, pour y participer, la gauche exige la tête du ministre de l'Intérieur, qui a lui-même étrillé ceux qui ont "pactisé avec les Insoumis".
"Le PS veut prendre Bruno Retailleau comme excuse pour justifier au final sa non-participation au gouvernement", balaie son entourage, qui ne croit pas que le PS puisse rompre son alliance avec LFI.
Autre obstacle possible, le Rassemblement national qui a fait chuter Michel Barnier, comme le redoute un ténor du parti: "il leur enlève des points pour faire revenir l'électorat chez nous", souligne-t-il.
Comme un avertissement, le parti à la flamme a promis lundi sur X de ne pas oublier les "magouilles" de Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, réitérant ses accusations d'avoir sauvé leur peau aux législatives grâce au barrage républicain.