C'est parce que chacun de ces territoires présente des contraintes particulières que La Fabrique de la Cité a choisi de s'intéresser à la manière dont ils abordent le sujet de la sobriété foncière : une tendance globale qui, comme le révèle l'étude, suppose pourtant une approche territoriale.
Réalisée par Raphaël Languillon-Aussel, chercheur à l'Institut Français de Recherche sur le Japon à Tokyo et à l'Université de Genève, et Maxence Naudin, ingénieur d'études à l'Université de Perpignan et membre de l'Institut de Transition Foncière, cette étude s'intéresse aux particularités historiques, géographiques, politiques, sociologiques, démographiques, et économiques de chaque territoire pour mieux comprendre leur modèle d'aménagement et de sobriété foncière.
Ce travail de recherche permet de mettre en perspective les politiques menées par l'Union européenne, la Suisse, l'Angleterre et le Japon, de vérifier ou d'infirmer certaines idées toutes faites et d'évaluer l'efficacité et l'impact de chaque législation pour en analyser les avantages et les inconvénients.
Pour Raphaël Languillon-Aussel : « Cette note d'étude comparative a pour but de contextualiser les enjeux de sobriété foncière dans une perspective plus large et d'apporter une prise de recul nécessaire sur le sujet alors que la mise en œuvre des politiques de sobriété foncière génère actuellement des débats, notamment en France où la traduction des décrets d'application de la loi ZAN par les régions et les intercommunalités créé des frictions. »
Cette note s'inscrit dans un cycle d'études plus large sur le sujet entamé par La Fabrique de la Cité en 2021 :
La note d'étude "Sobriété foncière, évolutions et perspectives comparées : France, Suisse, Angleterre et Japon" est disponible ici.
Résumé de la note d'étude
"Sobriété foncière, évolutions et perspectives comparées : France, Suisse, Angleterre et Japon"
Union européenne
À travers plusieurs séries d'initiatives et de dispositifs mis en place à partir de 1972 pour limiter la consommation du foncier ("La Charte européenne des Sols", lancée par la CEE en 1972), l'Europe s'est imposée au fil des années comme un acteur majeur dans la promotion de la sobriété foncière.
Néanmoins, si l'Union européenne dispose bien d'une compétence en matière d'environnement, les politiques publiques d'aménagement du territoire sont encore aujourd'hui des prérogatives régaliennes ce qui complique l'émergence d'un cadre commun et ambitieux.
Angleterre
L'Angleterre est à l'origine des premiers modèles de sobriété foncière avec un contrôle strict de l'étalement foncier, notamment consacré par le Green Belts Acts de 1938 qui interdira toute extension urbaine qui ne serait pas en contiguïté d'une agglomération existante.
Ce sont également les Garden Cities théorisées par l'urbaniste Ebenezer Howard à la fin du XIXème siècle qui ont inspiré le concept de "banlieue-jardin", la suburb ou encore le lotissement pavillonnaire.
L'Angleterre fait pourtant face à des problématiques d'acceptabilité majeures aujourd'hui. Citoyens et élus sont en effet de plus en plus nombreux à se mobiliser contre la densification urbaine au nom de la qualité de leur cadre de vie ; un phénomène qui exacerbe les écarts entre banlieues aisées et quartiers pauvres.
Suisse
Pays montagneux de plus de 40.000 km2 situé au cœur des Alpes, la Suisse présente un peuplement très concentré. En effet, plus des deux-tiers de ses 8,7 millions habitants vivent sur le Plateau suisse, portion plane qui représente seulement 30% du territoire national. En parallèle, la Suisse a édicté un régime de sobriété foncière ambitieux dès 1979 avec la Loi d'Aménagement du Territoire, qui impose aux cantons "une utilisation mesurée du sol et le respect d'une séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire". Cette législation couplée à la concentration de sa population au sein d’un territoire contraint par d’importants reliefs a généré l’image d’un pays économe en ressources foncières.
Pourtant, la Loi d'Aménagement du Territoire a été révisée en 2022 pour répondre aux besoins en artificialisation d'un pays marqué tant par une croissance économique et démographique vigoureuse que par une crise structurelle du logement d'une ampleur inédite en Europe. La note s'intéresse également à la politique d'externalisation de l'artificialisation que mène la Suisse en dehors de ses frontières à l'image de l'étalement urbain de Genève vers la France.
Japon
Avec ses 377.975 km2 et ses 124,7 millions d’habitants, le Japon est le 11ème pays le plus peuplé au monde, mais ne se classe que 62ème par la taille de son territoire. En outre, pays montagneux à près de 80%, la grande majorité de sa population se concentre dans un nombre très réduit de plaines littorales et de bassins intérieurs, accroissant la pression de l’artificialisation sur un foncier rare.
Pourtant, le Japon connaît de très grands contrastes de peuplement. À titre d'exemple, le département de Hokkaido, la grande île du nord, présente une densité de seulement 65 habitants par km2 et se trouve en situation de dépeuplement, tandis que celle du département de Tokyo, la plus élevée, dépasse les 6 300 habitants au km2.
Ces singularités géographiques et démographiques ont largement participé au mythe du "manque de place". L'aménagement du territoire nippon repose pourtant sur une densité étalée qui s'explique notamment en raison de la structuration de l'urbanisation autour des voies ferrées exploitées par les compagnies privées qui opèrent dans le pays.
Par ailleurs, l'archipel fait face depuis plusieurs dizaines d'années à une décroissance démographique exceptionnelle que les pouvoirs publics ne parviennent pas à enrayer. Dès lors, la question de la sobriété foncière au Japon tend davantage à se confondre avec des enjeux de désartificialisation plutôt que d'expansion urbaine.