La DGCCRF a mené des enquêtes en 2019 afin de traquer les manquements et diverses infractions à la protection du consommateur dans le cadre du CCMI. Cette enquête a révélé, à la suite de précédents contrôles, la persistance chez certains professionnels de pratiques non conformes à la réglementation en vigueur.
Pour rappel, il existe deux sortes de CCMI :
- le CCMI avec fourniture de plan (le plus répandu) : le consommateur fait appel à un opérateur unique pour la réalisation du plan et de la construction (articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH),
- le CCMI sans fourniture de plan : le consommateur fait réaliser les plans par un prestataire avant de se tourner vers le constructeur (art. L. 232-1 et suivants du CCH).
L'enquête a été menée dans 15 régions incluant deux régions d'outre-mer. 285 établissements ont été contrôlés en 461 passages. Sur les 23,800 entreprises en France qui exerçaient dans le secteur de la construction de bâtiments, 9,500 TPE-PME proposaient la construction de maisons individuelles.
Afin de cibler leurs contrôles, les enquêteurs de la DGCCRF ont pris en compte les plaintes recueillies, les résultats des précédents contrôles et les mentions valorisantes figurant sur des supports de communication ou sur les réseaux sociaux tels que « [maison] clé en main, « Construction de A à Z »…, afin de vérifier le bien-fondé des contrôles.
En cas d'abandon de chantier ou de malfaçons, il est prévu dans le CCMI, afin de protéger le consommateur, que de nombreuses formalités soient accomplies par le professionnel comme souscrire à une garantie de livraison ou conclure par écrit les contrats de sous-traitance le commencement de l’exécution des travaux. Les maître d'ouvrage est également concerné par des formalités telles que souscrire à une garantie dommage-ouvrage, obtenir un prêt ou acquérir la propriété du terrain à bâtir. Le professionnel peut l'éclairer dans ces démarches (loi du 19 décembre 1990 qui définit le cadre du CCMI et la plupart de ses dispositions figurent au Code de la construction et l'habitation).
Ce sont notamment ces formalités et démarches liées au CCMI que les enquêteurs ont contrôlé.
Les principaux points de vérifications étaient les suivants :
- l’existence d’un contrat écrit (obligatoire en l’occurrence) ;
- l’absence de clauses illicites (article L. 231-3 du CCH) ;
- la garantie de livraison du constructeur (article L. 231-6 du CCH) ;
- le respect de l’échéancier des appels de fonds (article R. 231-7 du CCH) ;
- l’information lisible et compréhensible sur le droit de rétractation.
Une grande diversité de manquements au CCMI ont été constatés
Les résultats de cette enquête sont assez similaires aux précédentes enquêtes : un peu plus établissement sur deux ne respecte pas la réglementation (55%). Si certaines des infractions peuvent n'avoir qu'un impact négligeable sur le projet de construction comme l'envoi d'un contrat en un seul exemplaire aux deux contractants au lieu d'un exemplaire chacun, d'autres peuvent s'avérer bien plus dommageables comme l'absence de contrat écrit ou encore le début du chantier sans garantie de livraison.
Au cours de cette enquête, ce sont les manquements aux règles propres au CCMI qui ont été les plus nombreux, notamment des manquements particulièrement graves concernant :
- la conformité du contrat,
- la garantie de livraison obligatoire,
- l'information sur le droit de rétractation,
- l'interdiction pour le professionnel de percevoir une somme d'argent avant la signature du contrat ou avant la date d'exigibilité de la créance.
L'attention portée aux contrats a notamment permis d'identifier des clauses abusives, par exemple les clauses ayant pour objet ou pour effet d'interdire au maître de l'ouvrage de visiter le chantier, préalablement à chaque échéance de paiement et à la réception des travaux ou encore de subordonner la remise des clefs au paiement intégral du prix et faire ainsi obstacle au droit du maître d'ouvrage de consigner les sommes restantes dues lorsque des réserves sont faites à la réception des travaux.
Les manquements observés par la DGCCRF ne concernent cependant pas que les contrats eux-mêmes. Le respect de la réglementation imposé dès la phase précédant la signature du contrat a lui aussi été contrôlé. Plusieurs manquements au Code de la consommation relatifs à l'information précontractuelle du consommateur ont ainsi été mis en avant.
Les enquêteurs ont également recherché la présence de pratiques commerciales trompeuses ou déloyales. Des pratiques comme par exemple un constructeur qui mentionnait les références d'un assureur ayant fait faillite ou encore un agent commercial d'une société de maisons en bois ayant encaissé un acompte de 35% du prix global convenu mais n'ayant jamais démarré les travaux ensuite.
Beaucoup de mauvaises pratiques qui persistent malgré tout
Ces enquêtes montrent une légère baisse du taux d'anomalies par établissement par rapport à l'année précédente (55% contre 57%) et une certaine régularité sur les quatre dernières enquêtes (de 2016 à 2018), cependant elles démontrent tout de même la persistance d'un niveau toujours très élevé de manquements à la réglementation.
158 des 285 entreprises contrôlées ont fait l'objet de suites par les services de la DGCCRF. Les enquêteurs ont pris des mesures pédagogiques, correctives ou répressives en fonction de la gravité des résultats. Cela a donné lieu à 87 avertissements, 56 injonctions, 31 procès-verbaux pénaux, 1 procès-verbal administratif et 1 procédure au civil.
Une suite sur deux est pédagogique avec 49% d’avertissements (contre 61% en 2018). Un tiers des suites a été de nature corrective, soit 32% d’injonctions (contre 21% en 2018) et un peu moins d’un contrôle litigieux sur 5 a donné lieu à la rédaction d’une suite répressive soit 18% de procès-verbaux pénaux (contre 17% en 2018).
Lors de cette enquête, une attention particulière était portée sur la vérification de la prise en compte des précédentes suites par des opérateurs ayant fait l'objet d'un contrôle antérieur. Dans la majeure partie des cas, il a été constaté une remise en conformité satisfaisante des pratiques de ces professionnels. De même, plusieurs procédures pénales engagées suite à de précédents contrôles ont fait l'objet de transactions, acceptées et réglées par les professionnels concernés.
Les enquêteurs soulignent aussi que cette persistance d’anomalies s’explique notamment par le manque de maîtrise de la réglementation de la part de certains constructeurs ce qui justifie une poursuite des contrôles sur ces professionnels lors de prochaines enquêtes.