QUESTION : Peut-on dresser un panorama des domaines skiables fermés en France ?
REPONSE : Les sites concernés sont principalement des micro-domaines skiables, à 90%, et pour le reste on observe, depuis le début des années 2000, quelques stades de neige et petites stations touristiques: par exemple Chambon-des-Neiges (Puy-de-Dôme) ou le Mas de la Barque (Lozère).
Il y a des fermetures dans tous les massifs, les Vosges, le Jura, le Massif Central, les Pyrénées mais surtout dans les Alpes car c'est le plus grand massif et le plus peuplé.
En France, 31% du stock total de domaines skiables ont fermé. Dans les massifs de moyenne montagne, c'est beaucoup plus, 60% dans le Massif Central, ça veut dire qu'il y a plus de sites qui ont périclité qu'il n'y en a encore d'actifs aujourd'hui.
Ce chiffre peut paraître spectaculaire mais il est à remettre dans son contexte. Si on compare les longueurs de piste de ski fermées à l'étendue du domaine skiable français, on se rend compte que la France n'en a perdu que 2%, ce qui est vraiment très peu. Cela montre que 186 sites équivalent à 2% du domaine.
Il y a eu une période d'engouement pour le ski à partir des années 50-60, il s'agissait de petits centres souvent créés par des collectifs de villageois, parfois par le curé, pour animer le territoire. Ces sites n'avaient pas de vocation de rentabilité ou de croissance.
Q. A quoi attribuer ces fermetures ?
R. Il y a parfois une confusion: on dit +les stations ferment parce qu'il n'y a plus de neige+. Non, elles ferment parce qu'elles ne sont pas rentables et c'est un choix de raison au final.
C'est une combinaison de facteurs qui s'entrecroisent, qui évoluent aussi dans le temps: il y a aussi l'obsolescence des remontées mécaniques, avec des charges d'entretien énormes après 20-30 ans.
Ce qu'on observe c'est que le cycle de vie de ces sites est de 30 ans. Il y a énormément de produits touristiques, notamment en montagne, qui ont vécu ce cycle et qu'on a complètement oubliés, par exemple le climatisme avec ses sanatoriums, le thermalisme; il y a aussi les téléphériques et funiculaires panoramiques, la moitié ont disparu en France.
Ce sont les exploitants les plus performants qui perdurent et continuent dans le ski, les petits, qui étaient à la marge, étaient voués en fin de course à la fermeture.
Q. Qu'est-ce qui est préférable, une reconversion ou un démontage ?
R. Dans la grande majorité des cas, les sites sont redevenus des champs, des forêts, mais il arrive aussi que dans les sites plus importants, les collectivités prennent le problème à bras-le-corps et proposent une reconversion, par exemple dans les loisirs quatre saisons.
Il y a aussi une autre frange, celle de l'économie résidentielle, assez liée à la périurbanisation, surtout près de Chambéry et Grenoble.
Les hameaux de tourisme deviennent des habitats permanents et au final les stations ne deviennent pas +fantômes+ mais des petits villages de montagne où on vit extrêmement bien, avec un foncier assez bas.
En fait, la fermeture créée des opportunités de manière implicite. Ces stations fermées qui se reconvertissent imaginent à quoi pourrait ressembler la montagne de demain.
A Saint-Honoré 1500 (Isère), par exemple, il y a entre 50 et 100 habitants et une qualité de vie fabuleuse, une vue époustouflante sur le Vercors.
Par ailleurs, il est toujours difficile de trancher si une fermeture est définitive ou temporaire. L'attachement pour le ski sur les territoires est énorme et il y a toujours des réticences sur le démontage. Le ski revêt un aspect sentimental, je dirais presque patrimonial.
Pour ce qui est du démontage des remontées mécaniques inutilisées, la situation est assez bonne en France même si cela avance assez lentement (un ou deux démantèlements par an). Au Japon ou en Amérique du Nord, beaucoup de friches sont laissées en l'état et restent plusieurs dizaines d'années sans intervention.