Aussi nombreuses qu’hétérogènes, les TPE sont majoritaires dans toutes les branches d’activité et réparties sur l’ensemble des territoires urbains et ruraux. En lien direct avec les consommateurs et leurs clients professionnels, elles sont en première ligne des mouvements économiques, à la hausse comme à la baisse.
Leurs constats et ressentis anticipent bien souvent les mouvements profonds qui se diffuseront dans l’ensemble de la chaîne de valeurs.
C’est pourquoi le SDI estime essentiel de les interroger régulièrement afin d’anticiper les constats que la “macro” devra intégrer tôt ou tard.
Les principaux enseignements : accélération de la crise
86% des professionnels et dirigeants de TPE découragés...
L’année 2024 se poursuit dans un contexte difficile pour les artisans, commerçants et dirigeants de TPE. Au fil des enquêtes trimestrielles du SDI, l’état d’esprit négatif se maintient à un niveau élevé depuis janvier 2024.
Des situations personnelles compliquées
52% des personnes interrogées déclarent constater une baisse de leurs revenus sur le T3 2024. Les professionnels indépendants et responsables de TPE sont ainsi 51% à déclarer avoir gagné moins d’un SMIC sur le T3 2024.
Des situations professionnelles en dégradation
Plus d’une TPE sur 2 rencontre des problématiques de trésorerie
Si 55% des dirigeants de TPE expriment des difficultés de trésorerie, la situation est plus critique encore pour celles et ceux qui ont un PGE en cours de remboursement. Il convient néanmoins de souligner que, globalement, le taux de professionnels indépendants et dirigeants de TPE constatant des problématiques de trésorerie est en baisse constante depuis le début de l’année 2024.
Ainsi, à la même époque l’année dernière (au T3 2023), 65% des répondants déclaraient rencontrer de telles difficultés. Pour autant, deux éléments viennent ternir une éventuelle appréciation positive de cette amélioration de la trésorerie :
63.000 TPE ont fermé leurs portes et plus de 250.000 ont cessé volontairement leur activité. Cette amélioration de l’appréciation de la trésorerie peut donc s’analyser comme la conséquence d’un “apurement” du marché.
En parallèle de cette amélioration de la trésorerie, on note une dégradation de la rémunération des dirigeants. De fait, la baisse du niveau de rémunération est le premier levier utilisé par les responsables de TPE pour améliorer leur trésorerie.
Des difficultés renforcées en cas de remboursement en cours d’un PGE
Ces derniers sont en effet 68% à exprimer des difficultés de trésorerie dont des difficultés importantes dans 36% des cas.
De fait, de nombreuses TPE sont encore en cours de remboursement de leur PGE pour une mensualité de 2000€ en moyenne. 86% des personnes interrogées doivent encore rembourser leur PGE, majoritairement jusqu’en 2026 (55%) mais aussi 2027 (18% des cas) voire 2028 (9%). Si le PGE ne représente pas en soi l’élément déclencheur des difficultés des TPE concernées, il représente à ce jour au regard du contexte économique un facteur aggravant dans les capacités de maintien en activité. Comme l’avait souligné le SDI, le mécanisme de saisine du Médiateur du crédit n’a pas été un facteur améliorant.
Les causes d’une trésorerie dégradée
Un allongement des délais de paiement pour les TPE en B2B
Selon la COFACE (Enquête du 18/09/2024) 95% des TPE accordent des délais de paiement à leurs clients professionnels. Or, en 2024, 73% des TPE ont constaté un allongement des délais des retards de paiement contre 55% pour les ETI et grandes entreprises.
A ce premier élément pouvant justifier des trésoreries tendues, il convient d’ajouter la forte augmentation des défaillances des PME-ETI, donneurs d’ordre des TPE. Entre retard de paiement et créance irrécouvrable, la trésorerie, traditionnel talon d’Achile des TPE, rend la situation de nombre de TPE très instable.
Une baisse générale de la consommation
63% des répondants indiquent constater une baisse de leur activité sur le T3 2024 par rapport au T3 2023. De fait, la baisse constante de l’inflation sur 2024 pour atteindre 1,2% sur un an en septembre selon l’INSEE n’a jusqu’à présent eu aucune conséquence positive sur la consommation telle que constaté par les professionnels indépendants et dirigeants de TPE. Ils sont ainsi 84% à n’avoir noté aucun regain de consommation depuis août 2024.
Une forte baisse du soutien bancaire
Accords sur crédits de trésorerie en baisse de 12 points
Signal d’alerte traditionnel d’une dégradation de la confiance dans la situation économique, le soutien bancaire aux TPE marque une baisse significative, notamment en ce qui concerne les crédits de trésorerie. Alors que les TPE sont plus nombreuses à avoir sollicité un crédit de trésorerie (13% contre 11%), seules 57% (contre 78%) d’entre elles l’ont obtenu en totalité et 8% (contre 17%) partiellement. 27% (contre 14%) se sont heurté à un refus pur et simple. Au total, seules 74% des TPE obtiennent le crédit sollicité en totalité ou partiellement contre 86% au T2 2024.
Accords sur crédits d’investissement en baisse de 7 points
Cette tendance est aussi présente en ce qui concerne les crédits d’investissement, servis à hauteur de 87% contre 94% au T2 2024.
Le recrutement en berne
Des intentions d’embauches au plus bas
Le nombre de professionnels indiquant être à la recherche de personnel est au plus bas depuis le début 2024 pour tomber à 13% au T3 2024 contre 22% au T1 et 19% au T2. La faiblesse de ce chiffre ainsi que sa dégradation constante peuvent être attribués à :
- La faiblesse du niveau de consommation ;
- La persistance d’une incertitude politique et économique.
Sur ce dernier point, l’enquête a été effectuée avant le discours de politique générale du premier ministre et l’annonce de 60Mds€ d’économies devant toucher l’ensemble de la population et des entreprises, bien au-delà des premiers indices d’un ciblage sur les plus fortunés.
Le niveau des charges sur les salaires toujours numéro 1 des freins à l’embauche
Si un certain nombre de professionnels préfèrent ne pas avoir de salariés, le niveau des charges sur les salaires reste le premier frein à l’embauche, suivi de la question de la situation économique. Cette donnée démontre le gisement d’emplois au sein des TPE sous réserve d’une baisse des charges sur les salaires. Ce n’est manifestement pas le chemin suivi par le nouveau gouvernement, lequel entend augmenter le SMIC par anticipation (+2% au 1er/11/2024) alors que les TPE emploient le tiers de leurs salariés à ce niveau de rémunération et jusqu’à 40% dans les secteurs à forte intensité de main d’œuvre.
Le projet du gouvernement de revoir la structure des aides sur les bas salaires pour en reporter le bénéfice sur les salaires supérieurs au SMIC risque par ailleurs d’avoir un impact significatif sur la masse salariale des TPE. Dans un contexte de très faible croissance (+1,1% en 2024 et 2025), des ajustements seront sans aucun doute nécessaires, soit sur les prix, soit sur le nombre de collaborateurs.
De fait, 65% des personnes interrogées déclarent ne pas être en capacité d’assumer une hausse de 2% de leur masse salariale. De très grandes difficultés de recrutement En parallèle de ces intentions d’embauches en baisse, il convient de souligner les très grandes difficultés de recrutement. Les professionnels interrogés sont quasi-unanimes à décrire un marché de l’emploi essentiellement composé de personnes peu motivées et/ou incompétentes.
Des impôts pour tous ?
Le principe même de la hausse d’impôts sur les entreprises les plus profitables ne séduit que 38% des professionnels interrogés quand bien même serait-elle ciblée sur les seules grandes entreprises.
Les TPE-PME seront touchées selon 62% des personnes interrogées
Une appréciation prémonitoire. Ce résultat antérieur au discours de politique générale du premier ministre se révèle prémonitoire. De fait, si les TPE-PME ne sont pas concernées par une hausse d’impôts au sens fiscal du terme, elles seront bien concernées par une hausse de charges :
- Hausse anticipée du SMIC de 2% ;
- Extension du partage de la valeur ;
- Réforme des aides sur les bas salaires.
Une appréciation fondée sur l’expérience empirique du CICE
Les TPE sous-traitantes et clientes des grandes entreprises sont habituées aux pratiques de ces donneurs d’ordre qui reportent systématiquement sur elles les effets des augmentations de charges, voire captent leur valeur ajoutée. Ainsi, lors de la mise en place du CICE, les exemples sont nombreux de sous-traitants auxquels leurs donneurs d’ordre ont exigé des baisses tarifaires.
Faut-il revoir la protection sociale en France ?
Un système en souffrance
Le système de protection sociale en France, dont le financement est essentiellement fondé sur les cotisations du travail, ne parvient pas à maintenir son équilibre et encore moins à répondre aux besoins croissants des hôpitaux, aux revendications des personnels de santé et médecins de ville, à la prise en charge du 3ème et 4ème âge. C’est pourquoi le SDI s’est essayé à la question provocante de la proposition au passage à un système de santé entièrement privé.
Une question provocante
Question provocante car les professionnels indépendants et dirigeants de TPE sont au fond particulièrement attachés à la protection sociale solidaire et universelle, au même titre que l’ensemble des citoyens. C’est ce que démontrent leurs commentaires, mais aussi la pratique de la création d’entreprises. Ainsi, la SAS (Société par Actions Simplifiée) est aujourd’hui la première forme de création de société, largement devant la SARL. La raison en est simple : le dirigeant de SAS est “assimilé salarié” et relève en conséquence du régime général de la sécurité sociale, tant pour la maladie que pour les droits à retraite. La situation est de même très fréquente parmi les gérants minoritaires et égalitaires de SARL qui bénéficient d’un contrat de travail dit technique, à savoir non rattaché à la gérance de l’entreprise.
Abus et fraudes
Ils en dénoncent en revanche les abus, l’absence de contrôles ainsi que les fraudes. Des appréciations largement fondées sur leur expérience personnelle avec des salariés indélicats. Beaucoup estiment que, en tout état de cause, le système de remboursement des frais de soins de santé est d’ores et déjà largement privatisé du fait de l’intervention des complémentaires santé, mutuelles, assurances et organismes de prévoyance dont ils dénoncent au passage le coût élevé.
Les complémentaires santé en question
Sur ce dernier point, les chiffres démontrent que le niveau de participation de l’ensemble des complémentaires santé à la consommation en soins et biens médicaux est de 12,6% (en 2022). En revanche, les coûts de gestion des complémentaires santé, partie intégrante des cotisations, sont proportionnellement 8 fois plus élevés que ceux de la Sécurité Sociale avec 7,7Mds€. Peut-être une piste à creuser pour le premier ministre dans sa recherche d’économies et d’augmentation du pouvoir d’achat.
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