Le gouvernement s'employait à rassurer mercredi face à la préoccupation suscitée par le tour de vis annoncé sur le secteur. Il a repoussé au 22 septembre la présentation de sa "stratégie" pour le logement.
Principal sujet d'inquiétude : la baisse des aides personnelles au logement (APL) versées par l'Etat aux bailleurs sociaux - pour leurs locataires - envisagée par l'exécutif, et qui selon des sources proches du dossier, irait jusqu'à 50 ou 60 euros mensuels.
"Pour les bénéficiaires des APL dans le logement social, il n'y aura aucun impact" grâce à une diminution équivalente des loyers, a assuré le Premier ministre, Edouard Philippe, sur France 2. Les bénéficiaires de l'APL dans le secteur privé ne sont "pas concernés".
Les bailleurs sociaux se verraient octroyer des conditions d'emprunt plus favorables - notamment grâce à un gel du taux du Livret A, dont les fonds servent à construire des logements sociaux - en contrepartie de cette chute de leurs ressources.
"Nous négocions pour arriver à un accord global, mais nous ne trouverons jamais trois milliards d'économies" -le montant de la chute des ressources des bailleurs sociaux, si les loyers de leurs 5 millions de locataires touchant l'APL sont réduits de 50 euros-, précise à l'AFP Frédéric Paul, directeur général de l'Union sociale de l'habitat (USH, 723 bailleurs sociaux).
La trésorerie du mouvement HLM, de "7 milliards d'euros, ne représente que deux mois d'activité" et comprend 2 milliards de dépôts de garantie des locataires, dit-il.
Mercredi les entreprises du bâtiment à qui les bailleurs sociaux fournissent beaucoup de chantiers, avec 105.000 logements mis en chantier par an, soit plus d'un quart de la production nationale, ont exprimé leur inquiétude.
Reprise en péril
"Tout affaiblissement de cet acteur, notre seul amortisseur pendant la crise, aurait des conséquences importantes", a déclaré Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB).
Déjà la semaine dernière, les promoteurs privés avaient expliqué que seuls les bailleurs sociaux avaient empêché leurs ventes de plonger au deuxième trimestre.
A la FFB, on a "le sentiment que les arbitrages ne sont pas rendus" et l'on rappelle au gouvernement "la promesse d'Emmanuel Macron : ne pas supprimer ce qui marche".
M. Chanut s'inquiète pour l'avenir du Prêt à taux zéro (PTZ) octroyé, sous conditions de ressources, aux ménages qui accèdent à la propriété - 120.000 en ont bénéficié en 2016.
Il sera "reconduit de manière plus ciblée", l'an prochain, "là où il est le plus nécessaire pour les Français" c'est à dire dans les zones dites "tendues", où la demande de logements excède fortement l'offre, a affirmé mercredi le secrétaire d'Etat à la Cohésion des territoires Julien Denormandie, sur RTL.
"On prétend vouloir réduire la fracture territoriale, et on nie la réalité de tous les ménages qui veulent vivre dans les villes moyennes", pointe M. Chanut, alors qu'au premier trimestre, 38% des PTZ ont été octroyés en zone tendue.
L'avantage fiscal "Pinel" consenti aux particuliers qui achètent un logement pour le louer pourrait lui aussi faire l'objet d'un recentrage. Ces deux dispositifs ont relancé la construction depuis deux ans.
Quant à l'APL accession, une aide consentie à 500.000 ménages accédant à la propriété, elle serait sur la sellette, ce qui préoccupe Jean-Luc Mano, président de l'association de défense des consommateurs CLCV (Consommation, logement, cadre de vie).
"On va réduire la possibilité pour les ménages, d'accéder à la propriété, alors qu'on ne touche pas aux avantages fiscaux concédés aux investisseurs ?" s'interroge-t-il.
Avec le transport et l'emploi, le logement est l'un des trois secteurs devant générer le plus d'économies au sein d'un projet de loi de Finances 2018 qui prévoit 20 milliards d'économies.