Alors que s'enchaînent les records de chaleur sur le globe, pour la première fois des ministres chargés de la construction ou de l'environnement --dont des représentants chinois et américains, les deux pays les plus émetteurs de CO2-- essaient de voir ensemble comment rendre le secteur moins émetteur et plus résilient.
Il y a urgence. L'ONU prévoit un doublement des surfaces construites d'ici à 2060 sur le globe.
Or la construction est "un secteur où les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d'augmenter", relève le cabinet du ministre français de la Transition écologique Christophe Béchu, coorganisateur de l'événement avec l'agence onusienne chargée de l'environnement Unep.
Le secteur est responsable de 21% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, de 37% des émissions de CO2 liées à l'énergie. Il représente aussi 34% de la demande énergétique et capte la moitié de la consommation mondiale de matières premières, indiquent les documents de préparation du sommet.
"Prise de conscience"
"Le secteur n'est pas sur la bonne voie pour parvenir à la décarbonation d'ici 2050 (...) Il devient donc impératif de repenser fondamentalement la manière dont nous construisons et utilisons nos bâtiments afin de respecter l'accord de Paris sur le climat", signé en 2015, ajoute le ministère français.
Les débats doivent se conclure vendredi par une "déclaration de Chaillot", négociée depuis plusieurs mois dans la foulée des conférences internationales de l'ONU sur le climat, dont la dernière, la COP28, s'est tenue fin 2023 à Dubaï.
"On sent nettement qu'il y a une prise de conscience internationale de plus en plus grande de l'impact du bâtiment sur le réchauffement", indique à l'AFP Frédéric Vallier, secrétaire général de la Fédération internationale du chanvre (FIHO) basée à Bruxelles.
"Le chanvre poussait partout dans le monde jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale et a été évincé par le nylon et les matières synthétiques depuis, mais le monde est en train de redécouvrir ses extraordinaires possibilités pour l'agriculture et pour décarboner la construction", explique M. Vallier sur le stand de l'association BBCA, regroupement international de professionnels de la construction et de l'immobilier qui ont établi des standards communs pour permettre au secteur de s'adapter.
"Décarboner et adapter"
L'objectif du forum est double. "Il faut à la fois décarboner et adapter", souligne Julie Prigent de l'Agence française de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) qui travaille avec BBCA.
Si on utilise des matériaux locaux, biosourcés, qui font baisser les émissions de CO2 du bâtiment et réduisent les dépenses énergétiques, "c'est bien, mais parfois insuffisant", signale-t-elle.
"Il faut aussi que les bâtiments puissent résister aux aléas climatiques, qui se multiplient", et "s'adaptent" pour éviter d'avoir à démolir, et ainsi émettre doublement du CO2, précise-t-elle.
La France promeut en particulier les bâtiments neufs du futur village olympique à Saint-Denis, au nord de Paris, comme adaptables et évolutifs.
Le pays est aussi "en avance" pour les "régulations et les normes" en matière de construction bioclimatique, salue Lars Völkel, un des responsables du groupe finno-suédois Stora Enso, fournisseur de matériaux renouvelables.
Sont présents au sommet, les plus grands géants cimentiers ou des associations et laboratoires de recherche comme CRAterre, fondée en 1979 à Grenoble, promoteur de l'utilisation de la terre crue.
"A Haïti depuis le séisme (de 2010), 15.000 constructions ont été réalisées sur la base de nos recommandations en ossature bois et remplissage en pierres calcaires", explique Philippe Garnier, architecte-chercheur à Craterre qui travaille avec des ONG pour promouvoir des systèmes de reconstruction résilients liés aux matériaux et savoir-faire locaux.
Les participants à ce premier Forum sont des ministres, mais aussi des architectes, industriels des matériaux, promoteurs immobiliers, financiers, ingénieurs ou organisations internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ou la Banque mondiale.
Les gouvernements représentés comptent les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Allemagne, l'Egypte, le Brésil, la Turquie, et de nombreux pays africains comme la Côte d'Ivoire, le Cameroun et l'Afrique du Sud.
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