Ces deux rapports, l'un du comité scientifique de l'expérimentation, l'autre d'une mission Igas-IGF (Inspection générale des Affaires sociales et inspection générale des Finances) ont été remis à Muriel Pénicaud.
A l'issue de la remise des rapports en présence des acteurs de l'expérimentation, la ministre du Travail a expliqué à la presse que l'exécutif déciderait "de la suite courant janvier": soit "améliorations puis extension, ou améliorations et extension en même temps".
Portée initialement par ATD Quart Monde, l'idée à la base de l'expérimentation est de créer des entreprises à but d'emploi (EBE) sur des activités ne concurrençant pas des entreprises existantes.
Elles embauchent, sur la base d'un Smic en CDI et sans sélection, des personnes privées d'emploi depuis plus d'un an, à temps complet ou choisi. L’État contribue lui à hauteur de 18.000 euros par an et par emploi.
La philosophie générale est de dire que personne n'est inemployable, qu'il existe de nombreux travaux utiles non effectués et qu'en subventionnant la reprise d'emploi, l’État économisera autant en prestations sociales et coûts indirects du chômage.
La première loi a concerné, pour cinq ans, dix territoires entre 5 et 10.000 habitants, mêlant communes rurales et quartiers de la politique de la ville, de Colombelles (Calvados) à Villeurbanne (Rhône). En juin 2019, 742 "personnes privées durablement d'emploi" étaient ainsi embauchées dans onze EBE sur les 4.024 personnes éligibles identifiées, selon la mission Igas/IGF.
Si le comité scientifique "souligne l'amélioration de la situation professionnelle et personnelle des personnes employées", il ne recommande pas "la généralisation de l'expérimentation dans ses conditions actuelles".
"En effet, plusieurs difficultés ressortent concernant le développement des structures et la construction des parcours professionnels des bénéficiaires. Par ailleurs, les gains socio-fiscaux de l'expérimentation s'avèrent plus faibles qu'anticipé", ajoute-t-il.
"C'est très innovant, c'est aussi très exigeant et aussi très complexe", a prévenu Olivier Bouba Olga, président du comité scientifique, pour que "les territoires candidats à une éventuelle deuxième phase d'expérimentation en aient conscience".
Selon la mission Igas/IGF, le gain direct pour les finances publiques "apparait deux fois moindre qu'escompté" notamment parce que les publics touchés sont moins éloignés de l'emploi qu'attendu, "une proportion non négligeable" d'entre eux touchant auparavant un revenu d'activité ou/et n'étant pas bénéficiaire de prestations sociales.
Louis Gallois, président du Fonds d'expérimentation contre le chômage de longue durée, a précisé qu'il avait "un débat" avec les conclusions du rapport, qui ne chiffre pas en quoi l'expérimentation permet par exemple d'économiser de futurs coûts pour la santé des bénéficiaires.
"Les territoires qui vont rentrer doivent être très préparés, ils doivent savoir que c'est à la fois puissant et extrêmement exigeant", a-t-il dit. "Nous n'avons pas mis assez l'accent sur la formation", a-t-il ajouté.
La mission Igas/IGF propose de revoir "le public cible de l'expérimentation" et le comité scientifique suggère de limiter l'extension, réclamée par plus d'une centaine de territoires et qui nécessite une nouvelle loi, à "un nombre restreint" d'entre eux.