Pourquoi tripler les renouvelables ?
Cet objectif est soutenu par de nombreux pays dont ceux du G20 (80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre), qui en septembre pour la première fois s'est engagé à "encourager les efforts" à cette fin, tout en restant silencieux sur la réduction des énergies fossiles.
Pour Dave Jones, expert du groupe de réflexion Ember, cela a au moins eu le mérite de replacer les renouvelables au centre de l'action: "on était trop focalisés sur l'hydrogène, le captage du carbone..."
Car le triplement des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydroélectricité, biomasse...) est le premier ressort des scénarios pour la neutralité carbone. Si le monde veut rester sous 1,5°C de réchauffement par rapport à la période pré-industrielle, c'est "le levier le plus important", pour remplacer charbon, gaz et pétrole, souligne l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Tripler, c'est éviter 7 milliards de tonnes de CO2 en cumul de 2023 à 2030, relève l'AIE, une économie notable par rapport aux 37 milliards de tonnes rejetées par l'énergie en 2022.
Cela permettrait de couvrir la croissance de la demande d'électricité liée aux transports, au chauffage ou au boom attendu des climatiseurs. On pourrait ainsi réduire de moitié le volume d'électricité issue du charbon, source numéro une du CO2.
Qu'est-ce que cela implique ?
Concrètement, il faudrait passer de 3.600 gigawatts (GW) issus des renouvelables à fin 2022 à 11.000 GW en 2030, explique Dave Jones.
Alors que le monde a installé 300 GW de capacités nouvelles en 2022 et en espère jusqu'à 500 supplémentaires en 2023, il faudrait atteindre rapidement 1.500 GW par an d'ici 2030, essentiellement avec des éoliennes et des panneaux solaires.
Des progrès sont déjà là. De 2015 à 2022, les installations renouvelables ont crû en moyenne de 11% chaque année. Et sur fond de flambée des prix pétrogaziers et d'insécurité énergétique liée à la guerre en Ukraine, l'AIE attend en 2023 une croissance inédite (+30% environ).
Dans le photovoltaïque, la Chine pourrait atteindre son objectif 2030 de 1.200 GW dès 2025. L'offre de composants dépasse désormais la demande et devrait atteindre 1.000 GW par an en 2024 en Chine mais aussi via des projets aux Etats-Unis, en Europe ou en Inde.
L'éolien en revanche connaît des difficultés, face au renchérissement des coûts et taux d'intérêt.
Tous les pays n'auront pas les mêmes efforts à fournir, souligne Ember dans une analyse qui juge la cible "atteignable": certains sont déjà sur une trajectoire de doublement. D'autres, gros émetteurs (Australie, Japon, Corée du Sud, Emirats arabes unis...), ont des marges de progrès.
"Il reste beaucoup de défis", résume l'AIE, pour qui "tripler les renouvelables d'ici à 2030 est un objectif ambitieux et pourtant réalisable".
Comment y parvenir ?
L'an dernier, 1.000 GW de capacités éoliennes et solaires sont restées dans les cartons à travers le monde, faute de réseaux électriques adéquats et d'autorisations, souligne le réseau d'étude Ren21.
Ces technologies connues et souvent rapides à déployer nécessitent aussi des investissements pour démarrer, en particulier dans les pays émergents et en développement.
Ces pays sont une priorité, compte tenu de leurs besoins en électricité, souligne l'Agence pour les énergies renouvelables (Irena). Or jusqu'ici les financements ont manqué: 2% seulement des investissements de la transition sont allés à l'Afrique en 2000-2020.
"On a besoin de 4.000 milliards de dollars par an et on en est loin !" déplore Rana Adib, directrice de Ren21, qui appelle à des "engagements concrets". "On sait que la transition énergétique, c'est aussi l'arrêt des nouveaux investissements dans les énergies fossiles".
Or en 2022, les hydrocarbures ont été deux fois plus subventionnés encore qu'en 2021: près de 1.300 milliards de dollars d'argent public, pour les seuls pays du G20, selon BloombergNEF.
Cela "aurait pu financer 1.900 GW de centrales solaires, soit dix fois la capacité installée par le G20 l'an dernier," souligne cet organisme de recherche.
La conséquence de cette situation est aujourd'hui sans appel, insiste Rana Adib: pétrole, gaz et charbon représentent encore plus de 80% de la consommation d'énergie finale mondiale, un taux qui n'a pas bougé depuis des années.