Lundi, les députés ont adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement écologiste ajoutant au projet de budget 2023 quelque 12 milliards de crédits pour la rénovation énergétique des bâtiments.
Soutenu mordicus par le collectif adepte des actions coup-de-poing Dernière Rénovation, qui a manifesté mercredi avec d'autres associations devant l'Assemblée nationale, l'amendement a cependant été écarté dans la version finale du texte.
Combien dépense-t-on actuellement ?
Selon les estimations de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), l'ensemble des investissements, public et privé confondus, pour la rénovation des bâtiments en 2021 a grimpé à 19,9 milliards d'euros.
Du côté de l'Etat, la principale aide, MaPrimeRénov', va voir son budget augmenter à 2,6 milliards d'euros. D'autres aides, moins importantes (certificats d'économies d'énergie, aides aux entreprises...), viennent le compléter.
Ces investissements sont cruciaux pour respecter les engagements climatiques de la France, les bâtiments et leur usage représentant plus d'un quart de ses émissions.
Combien cela va-t-il coûter ?
Selon l'I4CE, il faudrait 33,4 milliards par an jusqu'en 2050, pour être dans les clous de la Stratégie nationale bas-carbone.
Cette stratégie, dont une nouvelle mouture actualisée doit être publiée dans les prochains mois, prévoit qu'en 2050, l'ensemble du bâti devra atteindre la norme BBC (bâtiment basse consommation), soit une consommation de 50 kilowattheures par mètre carré par an. A peu près l'équivalent d'une étiquette énergétique B sur une échelle allant de A à G.
Or, pour l'heure, la seule incitation présente dans la loi consiste à interdire progressivement à la location les biens les plus mal classés : les G en 2025, les F en 2028 et les E en 2034.
Selon les calculs de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), extirper l'ensemble du parc des classes E, F et G coûterait déjà 258 milliards d'euros.
L'essentiel du coût (70%), pointe son président Jean-Marc Torrollion, vient des maisons individuelles... mais elles sont peu concernées par l'interdiction de louer puisque la majorité de leurs occupants sont propriétaires.
Pourquoi est-ce difficile de compter ?
Derrière ces estimations, la facture reste cependant très difficile à établir.
D'abord parce qu'il est compliqué d'établir un coût "standard" pour une rénovation, le terme englobant mille réalités différentes.
Certains travaux simples coûtent 200 euros le mètre carré, mais une rénovation lourde peut vite chiffrer au-delà des 1.000 euros le mètre carré, note Laurent Arnaud, directeur du département Bâtiment durable au Cerema (Centre d'étude et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement).
"En fonction de la nature des matériaux, de l'ampleur de la tâche... ça peut monter très rapidement, les petits espaces demandant plus de moyens que les grands espaces. Le caractère patrimonial d'un immeuble peut aussi entraîner une augmentation des coûts", dit-il.
Et les prix des matériaux de construction ont explosé depuis 2020, sous l'effet des confinements puis de la guerre en Ukraine.
Dernière difficulté : les travaux sont plus efficaces, et moins coûteux, s'ils sont tous faits en une seule fois. Mais cette solution est trop rarement utilisée, pointe Maxime Ledez de l'I4CE, car "souvent, le ménage doit quitter son logement ; alors que quand on fait une rénovation par gestes (étape par étape, NDLR), le ménage peut continuer à vivre dans son logement. C'est aussi la praticité, le coût social", qui entre en jeu.
Est-ce que ce n'est qu'un problème d'argent ?
Non, comme l'a souligné la Première ministre Elisabeth Borne, pour justifier son rejet des 12 milliards supplémentaires.
"La rénovation énergétique, ce sont aussi des salariés du BTP, que des milliards d'euros dans le PLF (projet de loi de finances, NDLR) ne permettront pas de former ou de rendre disponibles d'un coup de baguette magique", a-t-elle affirmé mercredi devant l'hémicycle.