Publiée mi-septembre, une étude du secrétariat permanent du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a confronté les prévisions des gouvernements des vingt dernières années (2004-2023) dans leur projet de budget annuel aux chiffres de croissance, d'inflation ou de déficit réellement constatés.
Résultat: "Les prévisions de croissance du gouvernement sont en moyenne un peu optimistes par rapport à celles du consensus des économistes et encore davantage par rapport à leur réalisation", constate le secrétariat permanent du HCFP, une institution rattachée à la Cour des comptes et chargée d'évaluer la crédibilité des projections de l'exécutif.
Entre 2004 et 2023, la prévision annuelle de croissance de Bercy a ainsi dépassé en moyenne de 0,4 point de pourcentage la croissance réellement constatée (en excluant du décompte les années 2009, 2020 et 2021, atypiques car marquées par les crises financière et sanitaire).
Cet écart est important, à l'heure où le gouvernement sortant envisageait une croissance de 1% du PIB français en 2024.
Les auteurs de l'étude accordent tout de même un bon point aux derniers occupants de Bercy, soulignant que "la précision des prévisions du gouvernement s'(était) améliorée depuis la création du HCFP" fin 2012.
Quant au déficit public, qui a dérapé bien au-delà des prévisions en 2023 - 5,5% du PIB contre 5% prévus au départ dans le budget par Bercy -, en excluant à nouveau les exercices 2009, 2020 et 2021, "les prévisions de solde public du gouvernement se situent en moyenne au niveau du solde observé" entre 2004 et 2023.
Nouvel aléa
Concernant l'inflation, les prévisions des exécutifs successifs se sont révélées également plutôt conformes à la réalité ces vingt dernières années, relève le secrétariat permanent du HCFP, qui a volontairement exclu de son analyse les années 2022 et 2023, marquées par une envolée des prix inédite en France depuis les années 1980.
Pour autant, "ce choix méthodologique affecte (...) relativement peu l'écart moyen entre prévisions du gouvernement et réalisations", assurent les auteurs.
Ces derniers sont plus sévères en matière de dette publique et soulignent que hors exercices 2009, 2020 et 2021, les prévisions ont été en moyenne inférieures de 0,4 point à la réalité entre 2004 et 2023 - et de 1,6 point tous exercices compris.
A Bercy, la Direction générale du Trésor, chargée d'élaborer les prévisions macro-économiques du gouvernement, a reconnu dans une note publiée fin août que "la succession de crises en 2020-2023" (Covid-19, inflation) avait pu fragiliser "la performance des modèles de prévision de la croissance française à court terme".
Les modèles traditionnels ont en effet tendance à accorder plus d'attention à la demande adressée aux entreprises par leurs clients qu'aux conditions de production d'une entreprise (l'offre).
Or ces dernières années, "l'évolution de l'économie française a surtout été influencée par des facteurs d'offre", note le Trésor, qui teste donc des modèles "alternatifs" davantage centrés sur l'offre.
Malgré ces ajustements, un nouvel aléa s'est ajouté en 2024 au casse-tête des prévisionnistes: l'incertitude politique depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, début juin.
Dans ses dernières projections macro-économiques publiées mi-septembre, la Banque de France avertissait ainsi que "l'incertitude politique actuelle en France fait peser un aléa sur les hypothèses de finances publiques et sur le comportement plus ou moins attentiste des entreprises et des ménages."
Quelques jours plus tôt, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) évoquait lui aussi la situation politique comme "facteur important d'incertitude", dans une note de conjoncture.
Le nouveau ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin a en tout cas confirmé mercredi que le déficit public risquait de "dépasser" les 6% du PIB en 2024, bien au-delà des 4,4% anticipés dans le projet de loi de finances.
La croissance devrait en revanche être très légèrement supérieure à ce qu'avait prévu le précédent gouvernement (+1% en 2024), à 1,1%, a complété le ministre de l'Economie et des Finances Antoine Armand.
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