Depuis le 1er janvier, les propriétaires doivent solliciter auprès des mairies une autorisation préalable de mise en location (APML), autrement dit un "permis de louer", pour signer un nouveau bail dans le centre-ville de Saint-Denis et Aubervilliers, ainsi que dans un quartier du nord de Stains -- trois villes dirigées par les communistes.
Les bailleurs privés qui s'y soustraient encourent 5.000 euros d'amende. Ceux qui loueraient en dépit d'un avis défavorable s'exposent à une amende pouvant aller jusqu'à 15.000 euros.
Dans certains secteurs de La Courneuve, autre municipalité communiste, les propriétaires doivent quant à eux faire une déclaration à la mairie après la signature du bail.
Plus de 4.400 logements sont potentiellement indignes dans les zones concernées par ce permis de louer, estime l'établissement Plaine commune qui regroupe toutes ces communes.
Au-delà de la région parisienne, l'autorisation préalable doit notamment entrer en vigueur cette année dans une dizaine de villes de la métropole lilloise, dont Roubaix et Tourcoing.
Jouxtant Paris, Saint-Denis et Aubervilliers, respectivement 110.000 et 80.000 habitants, attirent des investisseurs qui louent au prix fort des taudis à des personnes précaires, souvent immigrées, dans un contexte de saturation de l'hébergement d'urgence et du logement social.
Ces immeubles vétustes sont régulièrement le théâtre d'incendies meurtriers.
En 2016 à Saint-Denis, un feu avait coûté la vie à cinq personnes - une mère de famille et ses trois enfants de 12 à 21 ans, et une femme de 20 ans. Seul survivant, le père de famille avait expliqué qu'ils vivaient dans 26m2, loués 750 euros par mois.
Première ville du département le plus pauvre de France métropolitaine, Saint-Denis compte près de 22% d'habitat privé potentiellement indigne, majoritairement dans le centre.
Avant de délivrer son autorisation, la mairie demandera les diagnostics électricité, gaz, performance énergétique, exposition au plomb et à l'amiante. Les visites par des agents assermentés seront systématiques, précise-t-on à la municipalité.
Aubervilliers réclame en outre un projet de bail comportant le montant du loyer et des charges, le nombre d'occupants et des photos.
"Une famille par chambre"
Pierrefitte était la première commune de Seine-Saint-Denis à sauter le pas. Avec 30.000 habitants et 11% de logements du parc privé potentiellement indignes, elle a mis en place en octobre 2017 cet outil prévu par la loi Alur de 2014 mais opérationnel seulement depuis le printemps 2017.
La commune voyait de plus en plus de propriétaires découper abusivement leur pavillon en logements, avec "une famille par chambre" et des locataires jusque dans la cave, rapporte le maire (PS) Michel Fourcade.
En un peu plus d'un an, Pierrefitte n'a reçu qu'une douzaine de demandes d'autorisation, traitées en une quinzaine de jours chacune. Un refus a été prononcé.
"Il est évident que ce ne sont pas les marchands de sommeil qui vont faire une demande, souligne M. Fourcade. Mais on peut désormais les faire condamner plus facilement et espérer que ça calmera les réseaux."
"Le permis de louer est un des premiers outils qui nous permet d'avoir un regard sur le marché de la location", salue l'adjoint au maire de Saint-Denis chargé de l'Urbanisme, David Proult.
Lui aussi pense que les amendes peuvent être dissuasives, alors que les procédures au tribunal durent souvent plusieurs années.
Encore faut-il que les autorités sachent qu'un bien est loué sans autorisation, ou que les locataires osent se plaindre.
Or, admet l'élu de Saint-Denis, "le coeur du problème est la crise du logement en Ile-de-France qui fait prospérer des brigands, des marchands de sommeil, des indélicats sur la misère des gens".