"J'ai fait ma rentrée ce matin, ce soir ma seule solution c'est de prendre un lit en auberge, sinon je dors à la rue", explique Carla Mejean en tirant sa valise à l'accueil de l'auberge de jeunesse HI Strasbourg 2 Rives.
"Je cherche depuis que j'ai eu ma réponse d'acceptation en juin, et avec mon budget serré de 400 euros je n'ai rien trouvé", constate, amère, l'étudiante de 22 ans en troisième année de licence d'anthropologie à l'Université de Strasbourg. Sans logement à la fin de semaine, elle devra retourner chez ses parents à Nancy le week-end et craint de multiplier les allers-retours ces prochains temps.
La Fédération des étudiants d'Alsace (Afges) constate une augmentation des coûts de rentrée de 2 à 3% cette année: 3.156 euros, c'est ainsi la somme qu'un étudiant en première année de licence qui n'habite plus chez ses parents et non boursier doit débourser pour cette rentrée 2024, d'après l'association alsacienne.
Aucune réponse du Crous
Pour remédier à ce problème, l'Afges dépanne une quarantaine d'étudiants de Strasbourg en leur payant jusqu'à 11 nuitées en auberge de jeunesse, jusqu'à mi-octobre.
"On finance 44 places d'hébergement en auberge mais dans les faits on a dépassé les 400 demandes d'abris d'urgence", affirme Chloé Hayd, présidente de la fédération. "On peut reconduire cette aide mais au bout d'un certain moment ça devient difficile, et les étudiants n'ont plus d'endroit où aller."
Laurène Lita-Iccia est l'une des étudiantes qui profitent de ce dispositif de logement provisoire. "Je suis logée avec trois autres personnes qui sont dans le même cas que moi. J'ai sollicité le Crous à plusieurs reprises, sans aucune réponse pour le moment", déplore l'étudiante de 19 ans en première année de lettres modernes, arrivée du Gabon pour faire sa rentrée le 10 septembre.
En Alsace, le parc locatif du Crous (l'établissement public qui gère la restauration, le logement et la santé des étudiants) compte 5.503 places pour... 87.000 étudiants du supérieur sur le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, d'après l'Académie de Strasbourg.
Michel Deneken, le président de l'université de Strasbourg, s'est dit "très engagé sur la question grave du logement" lors de sa conférence de presse de rentrée annuelle. Il a tout de même rappelé que ces difficultés s'inscrivent dans un "contexte national" de crise de l'immobilier: "C'est un problème pour tous les Français" a-t-il relevé.
"Frein à la poursuite d'études"
En 2022, "plus d'un bachelier sur cinq (soit près de 100.000) a changé d'académie au moment de son entrée dans l'enseignement supérieur" selon une note du ministère de l'Enseignement supérieur, publiée fin 2023: 22% d'entre eux doivent donc chercher un logement à la rentrée. Un chiffre important auquel il faut ajouter les étudiants en réorientation, ceux plus avancés dans leur parcours supérieur ou les étudiants étrangers.
Allan Manieca lui n'a reçu sa lettre d'admission en école de sommellerie qu'une semaine avant sa rentrée: "Je n'ai pas eu d'autre choix que de venir dans cette auberge", admet le passionné de vin de 21 ans. "Toutes les places en résidences étudiantes sont prises, mon seul espoir c'est d'attendre que des places se libèrent par des gens qui quittent leur cursus".
En 2023, Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, promettait une augmentation du nombre d'hébergements "afin que l'accès au logement autonome ne constitue pas un frein à la poursuite d'études".
Le ministère annonçait un parc de 240.000 logements sociaux étudiants en 2024 dont 175.000 gérés par les Crous. Le gouvernement démissionnaire met lui en avant les 30.000 nouveaux logements Crous livrés depuis 2017 et promet toujours un total de 65.000 nouveaux biens disponibles d'ici la fin du deuxième quinquennat Macron. Un chiffre encore largement insuffisant.