Présente au salon international de l'immobilier Mipim à Cannes, la Brésilienne Anacláudia Rossbach a sensibilisé les professionnels sur les enjeux de l'utilisation des terres disponibles et de la construction bas carbone.
Question : Quelles sont les priorités de l'ONU Habitat ?
Réponse : "Dans notre nouveau plan stratégique nous voulons nous concentrer sur l'accès au logement, aux terres et aux services de base pour tous, y compris la transformation des quartiers informels. Pourquoi ? Parce que nous observons que nous vivons une crise mondiale du logement.
La plupart des pays sont confrontés à des problématiques en matière de logement, avec un dénominateur commun qui est, je pense, le caractère abordable.
Cette crise apparaît de plus en plus dans les pays européens, en Amérique du Nord, mais cela a été une problématique structurelle dans le Sud depuis de nombreuses années. Si l'on regarde les prix des maisons et les salaires des individus, dans de nombreux pays, l'écart est simplement trop important, et les gouvernements n'ont pas la capacité fiscale pour couvrir cet écart avec des subventions ou des incitations.
Actuellement, cet écart s'accentue, il est historiquement élevé selon des études récentes du Fonds monétaire international, également dans les pays du Nord.
C'est un défi commun auquel nous sommes confrontés, et il y a plusieurs aspects à cette crise du logement: le sans-abrisme, les quartiers informels, les logements non adéquats, trop petits ou trop chers par exemple, et les conflits et catastrophes qui affectent le parc de logements. Actuellement nous perdons des logements !"
Q : De nouveaux bâtiments sont-ils nécessaires ?
R : "Nous devons construire, oui. Mais dans un contexte où les bâtiments sont significativement responsables d'émissions (de gaz à effet de serre, NDLR), nous devons maintenant faire attention à nos émissions.
Le deuxième défi est que nous ne pouvons pas construire n'importe où et n'importe comment. L'expansion urbaine encore et encore, à travers les quartiers résidentiels fermés ou les maisons unifamiliales, a généré des impacts en termes d'environnement.
Actuellement, les villes croissent davantage en territoire qu'en population, et cela présente un risque pour nous tous en termes de climat, de risques sociaux et de risques économiques. Nous vivons donc une situation très contradictoire où nous occupons plus d'espace mais nous avons besoin de plus de logements.
Pour moi, le sujet crucial est la terre, et nous devons commencer à reconnaître que la terre, au-delà de sa valeur économique, a également une fonction sociale et écologique. Nous devons intégrer cela dans la planification urbaine, qui doit être la colonne vertébrale d'une ville."
Q : Qu'en est-il de la prise de conscience des villes face au besoin d'adaptation au réchauffement climatique ?
R : "Il y a plusieurs aspects. L'angle important à souligner est celui des inégalités. Qui souffre le plus ? Les personnes précaires, les ménages vivant dans des maisons précaires, dans des quartiers précaires.
Dans le Sud, il y a des bidonvilles, des quartiers informels, ce sont eux qui souffrent le plus, non seulement du réchauffement climatique mais aussi des événements climatiques, des inondations, des catastrophes comme les glissements de terrain, etc. Ils payent le prix fort et nous devons vraiment prioriser cette population, qui souffre beaucoup plus que d'autres, de manière disproportionnée. Cet aspect de justice climatique est important.
Mais le réchauffement climatique nous affecte tous, et les villes ont un rôle à jouer en matière d'espace public, d'isolation des bâtiments, de création de davantage d'espaces verts. Je crois que les villes, les maires et les urbanistes prennent de plus en plus conscience de cela, je vois une tendance positive et des exemples de réussite.
Il reste encore des changements systémiques à opérer. L'ONU Habitat est fortement engagée pour s'assurer que nous créons cet environnement favorable, que nous aidons les villes et les gouvernements nationaux à mettre en place les bonnes réglementations."