Le retour de Donald Trump aux affaires et la mise en place des mesures de protectionnisme commercial, conjugué aux positions russes plus agressives dans le conflit ukrainien ont eu pour conséquences d’une part, de perturber les équilibres sur les marchés financiers et, d’autre part, de faire prendre conscience aux gouvernements européens de leur fragilité militaire et de l’enjeu des budgets consacrés à la Défense. Ce contexte international troublé introduit forcément plus de volatilité et de tensions du côté des taux obligataires et de l’inflation. Si les dernières prévisions de croissance économique ont été légèrement réajustées à la baisse, elles n’envisagent toutefois pas d’impact majeur inflationniste ni récessif. Du côté des marchés immobiliers, les risques d’un relèvement des taux d’intérêt et d’un comportement plus attentiste des ménages ne sont pas à exclure, alors même qu’une certaine reprise commençait à se dessiner. Pour l’heure, les signaux positifs se multiplient (mises en chantier, transactions dans le neuf, demandes de prêts, mesures incitatives pour le logement, maintien de l’activité dans les TP…) entrainant dans leur sillage un redressement graduel de l’activité des matériaux. Mais l’année 2025 s’ouvre sur de nouvelles incertitudes et menaces à surveiller de près...
Chiffres clés
Une évolution positives des matériaux ces trois derniers mois : + 3,9% (granulats), + 0,2% (BPE) comparé au trimestre précédent.
Un mois de janvier plutôt correct
Les premières estimations disponibles pour janvier tendent à confirmer le mouvement de redressement dans les matériaux. Côté granulats, les volumes ont certes cédé -1,3% par rapport à décembre mais s’inscrivent en progression de +4,9% par rapport au mois de janvier 2024 qui était, pour mémoire, plutôt mal orienté (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois, allant de novembre à janvier, l’activité affiche une hausse de +3,9% en comparaison des trois mois précédents mais aussi de la même période d’il y a un an. En cumul sur les douze derniers mois à fin janvier, le recul des volumes revient à -3%, contre -4,1% sur l’ensemble de l’année 2024. S’agissant du BPE, les livraisons ont également baissé en janvier, de -3,9% par rapport à février et de -2,5% sur un an (données CVSCJO). Mais les rythmes de repli se modèrent : au cours des trois derniers mois, l’activité du BPE repasse très modestement en positif comparé au trimestre précédent (+0,2%) tandis qu’elle ne recule «plus» que de -5,2% sur un an. Sur douze mois glissants, à fin janvier, la production se contracte encore de -10,4%, contre -11,6% sur l’année 2024.
Ce mouvement de redressement se constate aussi parmi les autres matériaux de la filière minérale. En décembre, notre indicateur a certes reculé par rapport à novembre (-1,7% à 85,2) mais il affiche une progression de +0,7% entre le troisième et le quatrième trimestre (données CVS-CJO). L’activité trimestrielle du panier de matériaux reste cependant en repli sur un an (-2,1%), une tendance plus modérée que celle constatée sur l’ensemble de l’année 2024 (-6,5%). Si tous les matériaux du panier partagent ce mouvement, les rythmes de baisse observés sur 2024, quant à eux, divergent sensiblement, avec un facteur variant de 1 à 8 (de -2,3% pour la pierre taillée à -18,3% pour les tuiles et briques).
Bâtiment : une éclaircie
Selon la dernière enquête menée en mars par l’INSEE auprès des professionnels du bâtiment, le climat des affaires a cessé de se dégrader, l’indicateur synthétique se maintenant à 98 sous sa moyenne de long terme (100). Dans le gros œuvre, les chefs d’entreprise se montrent un peu moins pessimistes sur leur activité future et leurs carnets de commandes ont rebondi à 9,1 mois de chantiers (contre 8,7 en février), une durée qu’il convient toutefois d’apprécier à l’aune des effectifs qui ont plutôt eu tendance à se contracter ces derniers mois. Cependant, les rebonds du taux d’utilisation des capacités de production (à 88,7% contre 87% en février) et de la part des entrepreneurs rencontrant des contraintes productives (à 35,4% contre 32,7% en février) tendent à confirmer que l’activité frémit dans le gros œuvre; un diagnostic qui se confirme avec le redressement du solde d’opinion sur l’activité future et l’évolution prévue des effectifs dans ce segment. Côté construction, dans le non résidentiel, les surfaces commencées continuent de se replier à fin janvier (-3,5% en glissement annuel sur les trois derniers mois et -7,5% en cumul sur douze mois) alors que les permis se redressent (+13,3% et +1,8%, respectivement), notamment dans le secteur de l’industrie, de l’agriculture et des services publics. Quant au logement, si les autorisations manquent encore de vigueur (-6,2% sur trois mois et -11,4% en cumul glissant sur douze mois), les données de mises en chantier, récemment révisées par le ministère, décrivent une forte hausse. Ainsi, à fin janvier et sur les trois derniers mois, les logements commencés ont bondi de +16,8% par rapport aux trois mois précédents (données CVS-CJO), ramenant le cumul glissant sur douze mois sur un repli de -1,3%, à 294.500 logements. Ce rebond concerne aussi bien le collectif (+6,7% en cumul douze mois à fin janvier, soit 148.000 appartements) que l’individuel (+4,2%, soit 97.000 maisons) ou encore que les logements en résidence (+22,8%, soit 39.500 unités).

Si ce sursaut traduit sans doute une amélioration conjoncturelle, il s’explique sans doute aussi en partie par les rachats de logements de la CDC et d’Action Habitat (47.000 au total) initiés en 2024 pour soutenir le secteur de la promotion immobilière. Du reste, la situation du segment individuel demeure contrastée entre les mises en chantier du «groupé» qui progressent de +10,5% (38.300) et du «diffus» qui se contractent encore de -26,1% (68.700 maisons commencées). Pourtant l’activité continue de s’améliorer dans ce secteur si l’on en croit les dernières données relatives aux constructeurs de maisons individuelles publiées par Markemétron. Début 2025, en effet, la reprise des ventes se confirmait avec une progression de +30,1% en janvier sur un an et de +29,4% mesurée sur le trois derniers mois connus (de novembre à janvier) ; un rebond qui intervient, il est vrai, après une chute historique (-66,6% entre 2021 et 2024) et qui ramène à -8,5% le recul de l’activité cumulée sur douze mois (51.700 ventes). La baisse des taux d’intérêt à l’habitat (3,19% en février selon l’Observatoire du Crédit Logement) conjuguée à une offre bancaire dynamique ont permis de ranimer le marché et la demande de crédits, notamment dans le neuf. Ainsi, à fin février en cumul sur douze mois, la production de crédits augmentait de +14,3% sur un an (contre +4,2% en 2024) tandis que le nombre de prêts accordés grimpait de +40,2% (contre +35,8% en 2024). Les mesures de soutien contenues dans la Loi de Finances 2025 et qui devraient entrer en vigueur au 1er avril 2025 (extension du PTZ – dont l’impact est estimé à un surplus de 15.000 logements cette année –, défiscalisation des donations, simplifications…) devraient permettre de soutenir le mouvement. Mais certains facteurs pourraient fragiliser la reprise : dans un contexte de consolidation budgétaire, les perspectives de croissance sont faibles pour 2025 (+0,7% selon la Banque de France), le chômage se redresse et le climat d’incertitude lié aux troubles géopolitiques (conflit russo-ukrainien, guerre commerciale déclenchée par Donald Trump…) pourraient conduire les agents économiques à privilégier l’attentisme. Les intentions d’achat de logements des ménages, mesurées par l’enquête INSEE, se sont d’ailleurs modérées en février. La remontée des taux obligataires, consécutive aux tensions sur les marchés financiers, pourrait hypothéquer la poursuite d’une politique monétaire plus accommodante de la BCE et stopper l’amélioration des conditions de crédits. A ce stade, ce n’est pas le scénario le plus sombre qui est privilégié par les instituts de conjoncture et une accélération de la croissance reste envisagée en 2026-2027 mais les risques qui pèsent sur l’activité en 2025 ne sont pas à écarter.
TP : début 2025 dans la lignée de 2024
D’après l’enquête menée par la FNTP en janvier, le volume des travaux réalisés a progressé de +2,2% par rapport à décembre et de +3,4% au regard de l’an passé (données CVS-CJO) poursuivant ainsi la tendance de 2024. Les prises de commandes se sont également étoffées, affichant une hausse de +1,7% sur un mois et de +17,1% sur un an, traduisant là aussi un niveau comparable à celui de 2024 (-0,9% comparé à la moyenne des douze mois). A un an de la fin du cycle électoral, une accélération aurait pu être «légitime» mais le secteur semble juste maintenir l’élan de 2024, les coupes dans les crédits budgétaires (Loi de finances 2025), certes plus modérées qu’initialement prévues (-2,2Mds€ contre -5Mds€) pesant sur la dynamique de l’investissement local, notamment dans les départements.
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