"Je suis prête à louer n'importe quoi", lâche, découragée, Alice Martins, 18 ans, une Lorraine toujours sans solution d'hébergement à une semaine de sa rentrée en première année de droit dans la capitale.
La jeune femme, qui a commencé à chercher dès qu'elle a eu connaissance de son affectation sur Parcoursup, découvre l'étroitesse du marché locatif, sa cherté mais aussi ses impitoyables garanties de solvabilité.
"Ma mère est ma seule garante. Elle est professeure des écoles, pas PDG", grince Alice Martins.
"A chaque visite, il y avait beaucoup de monde, des gens qui faisaient la queue dans les escaliers, on sent qu'il y a une demande trop élevée par rapport à l'offre", témoigne Emma Hugues, 20 ans, étudiante en communication à Paris.
"On n'a rien cette année", confirme Katia Bouzit, gestionnaire d'une agence immobilière parisienne. "Quand on publie une annonce de logement type +étudiant+ sur notre site, 70 personnes candidatent et ça part en une heure", continue-t-elle.
Ménages qui ne quittent plus leur petite surface, logements inoccupés, faiblesse du nombre de nouveaux logements construits, transfert des biens vers la location touristique concourent à assécher le marché à Paris et dans les grandes villes universitaires.
"Même quand je vais chercher dans des agences, elles affichent des feuilles pour dire qu'il n'y a plus de logements disponibles", témoigne Emmanuel Arsac, étudiant lillois de 23 ans. "Et les prix ont augmenté par rapport aux années précédentes".
"La tension locative est la même partout, sur l'ensemble du territoire de l'Hexagone", confirme Loïc Cantin, président de la Fnaim.
Pour ne pas pâtir de cette situation, les étudiants sont parfois contraints de garder leur studio l'été, avec à la clef des frais supplémentaires. Et les stages dans une autre ville peuvent relever du casse-tête.
Le logement, dépense N.1
"L'an dernier, on avait 13% de rotations en moins délivrées par les locataires au moment de l'échéance, notamment au mois de juillet. Cette année, c'est 30% de congés en moins", souligne le président de la Fnaim.
A Paris où 392.000 étudiants sont inscrits dans l'enseignement supérieur, soit 36% de plus qu'au début des années 2000, "il n'y a plus que 350.000 logements locatifs privés. Ça se réduit de 8.000 logements par an", illustre Jacques Baudrier, adjoint communiste au logement à la mairie de Paris.
"Il n'y a plus rien à louer", or "80%" des locations privées répondent aux critères recherchés par les profils étudiants, soit "du studio au deux pièces", rapporte M. Baudrier.
En juillet, l'élu avait lancé un "cri d'alarme" contre le risque de se retrouver avec des dizaines de milliers d'étudiants "à la rue" à la rentrée.
Rentrée après rentrée, les syndicats étudiants alertent sur le logement, de loin "le premier poste de dépenses pour les étudiants", selon la Fage.
D'après les calculs du syndicat étudiant, le loyer seul représente en moyenne plus de 45% des frais de vie courante d'un étudiant en province (520 euros), et même 50% en Ile-de-France (688 euros).
L'insuffisance du parc locatif social est pointé du doigt. Les Crous offrent près de 175.000 places pour un total de 240.000 logements sociaux étudiants en 2024. Soit un logement Crous pour 17 étudiants (un pour 34 en Ile-de-France et un pour 48 à Paris). Trop peu, selon de nombreux acteurs de l'enseignement supérieur.
Le gouvernement démissionnaire, qui s'est donné une feuille de route sur le sujet en 2023, met en avant les 30.000 nouveaux logements Crous livrés depuis 2017 et promet toujours un total de 65.000 nouveaux biens disponibles d'ici la fin du deuxième quinquennat Macron.
En juin, avant les législatives anticipées, Emmanuel Macron avait fait devant la presse un "mea culpa" sur l'accès au logement des jeunes: "C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas assez avancé et où la réponse a été trop timide, et j'en porte la responsabilité".
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