Les statistiques, publiées vendredi par le ministère de la Transition écologique, de la commercialisation de logements neufs, ont de quoi inquiéter.
Les réservations des particuliers auprès des promoteurs n'ont cessé de décliner au cours de l'année. Au dernier trimestre, avec 22.500 réservations, elles ont été à peine supérieures à leur niveau pendant le confinement du printemps 2020.
Au total, les particuliers ont réservé quelque 110.000 logements en 2022, soit 15% de moins qu'en 2021.
"Ce n'est pas bon du tout, et malheureusement, ce qu'on avait prédit arrive", regrette Grégory Monod, président du Pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment, qui représente promoteurs, constructeurs de maisons et aménageurs. "Le logement collectif s'enfonce inexorablement, lentement mais sûrement, dans une crise profonde, et on le voit encore plus au travers des chiffres de la commercialisation", dit-il.
Depuis 2020, les professionnels alertaient sur un manque d'offre, pointant la frilosité des maires à signer des permis de construire.
Le nombre de mises en vente sur l'année a d'ailleurs baissé lui aussi en 2022, de 6%, à environ 110.000.
"On a vu nos chiffres de l'offre se casser la figure. Et depuis quelques mois, les chiffres de la demande sont aussi en chute libre", se désole Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Le manque d'offre, souligne-t-il, entraîne mécaniquement une baisse de la demande. "C'est une lapalissade : vous ne pouvez pas vendre ce que vous n'avez pas à vendre !"
Désistements
Mais ce sont surtout les réservations qui subissent un coup de frein.
Comment l'expliquer ?
D'abord, les acquéreurs sont pris en tenaille entre des prix de commercialisation élevés et un pouvoir d'achat qui s'effrite.
"On a atteint des niveaux de prix qui ont explosé, avec l'augmentation des coûts des matériaux et l'envolée des taux", constate Grégory Monod.
Les coûts des matières premières, et donc des chantiers, ont en effet grimpé dans le sillage de la guerre en Ukraine.
Les promoteurs doivent donc vendre plus cher pour que leurs opérations restent rentables... mais les particuliers ne peuvent pas suivre.
"Les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel", grince Pascal Boulanger.
La remontée rapide des taux d'intérêt, conjuguée à la réglementation sur le taux d'usure, qui interdit aux banques de prêter au-delà d'un certain taux, a empêché des acquéreurs de décrocher leur crédit.
Ce qui explique que les désistements aient été de plus en plus nombreux : au dernier trimestre, les annulations de réservations ont représenté plus de 20% du total, selon les chiffres du ministère.
Il y a aussi des acquéreurs, "minoritaires" parmi les désistements, "qui réservent, puis se disent +c'est pas le moment+ et qui annulent sans raison", raconte Pascal Boulanger.
Face à ces contraintes, de plus en plus de promoteurs préfèrent reporter le lancement de certaines opérations voire y renoncer ; cela arrive dans près d'un cas sur cinq, selon Pascal Boulanger.
Du côté des ventes en bloc, c'est-à-dire des ventes d'immeubles entiers, la situation n'est pas meilleure, avec une chute de 20% des réservations en 2022. Essentiellement du fait des bailleurs sociaux.
La hausse des taux d'intérêt a en effet fait gonfler leur dette, et les chantiers de rénovation énergétique accaparent déjà une bonne partie de leurs investissements.
"On a pas mal d'inquiétudes pour 2023", confie Didier Poussou, directeur général de la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat (ESH), les bailleurs sociaux privés.