Annoncée par Manuel Valls alors Premier ministre en août 2014, cette mise en oeuvre expérimentale limitée aux "communes volontaires", aurait dû être expressément prévue par la loi elle-même, ont affirmé les magistrats dans leur décision rendue publique jeudi.
Ils ont ainsi donné raison à l'association "Bail à part, tremplin pour le logement", qui souhaitait voir annulée, "pour excès de pouvoir", la décision du chef du gouvernement.
"Il est paradoxal de devoir aller en justice pour faire confirmer l'une des rares avancées sociales, avec le mariage pour tous, du quinquennat Hollande. En tout cas c'est un bel anniversaire pour la loi, qui aura trois ans demain", a déclaré à l'AFP Julien Bayou, président de "Bail à part" et porte-parole du parti écologiste EELV.
"C'est une victoire pour tous les locataires modestes qui paient les loyers les plus chers au m2, avec des petits revenus", a-t-il estimé.
Effectif à Paris depuis août 2015 et à Lille depuis février 2017, l'encadrement prévoit qu'à la signature d'un nouveau bail ou lors d'un renouvellement, le loyer d'un logement ne puisse dépasser de 20% un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30% - un "complément" étant autorisé pour certains biens.
Destiné à protéger les locataires des abus de certains bailleurs, le dispositif devait concerner toutes les zones tendues (où la demande de logements excède largement l'offre) en France, soit 1.151 communes de 28 agglomérations.
Mais, à l'été 2014, Manuel Valls avait annoncé qu'il ne s'appliquerait qu'à Paris et aux communes volontaires.
Abroger ou débrancher
Il avait alors justifié ce recul sur une promesse de campagne du candidat François Hollande en déclarant: "Ce qui marche doit être maintenu, ce qui ne marche pas doit être réétudié ou abandonné".
Mme Duflot, alors ministre du Logement, avait qualifié la position du chef du gouvernement d'"inouïe" et de "cadeau aux lobbies".
Au ministère du Logement, on faisait valoir jeudi que "la loi n'a pas prévu que l'on puisse contraindre les collectivités locales à encadrer leurs loyers".
En effet le dispositif, contesté par des maires et fortement combattu par des professionnels de l'immobilier, nécessite pour être mis en place deux années de données fiables, collectées par un observatoire local agréé. Vingt-cinq ont vu le jour, mais sans s'engager pour autant dans une démarche d'encadrement, qui nécessite un agrément.
Depuis son arrivée au gouvernement en février 2016, l'actuelle ministre du Logement Emmanuelle Cosse a "accompagné les communes volontaires", a fait valoir un porte-parole. L'encadrement doit être étendu à la banlieue parisienne à l'horizon 2018, et Grenoble veut l'appliquer.
L'association de consommateurs CLCV, qui avait appelé chaque citoyen à écrire à son maire pour exiger l'application de la mesure, rappelait avoir "toujours contesté la lecture +aventureuse+" de la loi, adoptée par M. Valls.
De son côté, la Confédération syndicale des familles (CSF) s'est félicité de voir "reconnu +l'excès de pouvoir+ de l'ancien Premier ministre", un "déni démocratique aboutissant à des inégalités entre les territoires".
Dans le rapport d'application de la loi, le député PS Daniel Goldberg avait déjà constaté que "l'intention du législateur (n'avait) pas été respectée par le gouvernement, sans même que celui-ci ne propose une modification législative".
Dans la capitale, le dispositif a contribué à réduire de 480 euros par an en moyenne les loyers hors des clous, selon l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap).
Parmi les candidats à la présidentielle, Benoît Hamon (PS) souhaite renforcer l'encadrement des loyers, tandis que François Fillon (Les Républicains) souhaite l'abroger et Emmanuel Macron (En marche!) le "débrancher progressivement".