En tant que garants du cadre de vie durable, les géomètres-experts sont mobilisés depuis plusieurs années pour accompagner l'État dans la politique de sobriété foncière et de réduction de l'artificialisation des sols qu'il a engagée.
En janvier 2020, déjà, l'OGE avait été invité à intégrer le groupe de travail interministériel Zéro Artificialisation Nette et Friches après avoir publié un manifeste et formulé 10 propositions allant vers la protection des sols agricoles et naturels, dans une démarche tenant compte des spécificités de chaque territoire. C'est pourquoi aujourd'hui la profession salue pleinement les ambitions affichées par la Convention Citoyenne pour le Climat et portées par le Gouvernement à travers le projet de loi Climat et Résilience et son volet « Se loger ».
Les géomètres-experts souhaitent cependant alerter le Gouvernement sur plusieurs mesures dont la rédaction est aujourd'hui susceptible de provoquer des effets contraires aux résultats escomptés.
Une méthode d'analyse de l'artificialisation des sols inéquitable et lacunaire
En déterminant les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols par rapport aux projets de construction conduits sur les dix dernières années, le Gouvernement pourrait voir s'accentuer la désertification dans certaines régions. Cette méthode conduirait les villes et villages qui ont fait le choix de contraindre l'artificialisation de leurs sols par le passé à ne plus avoir la possibilité de construire de nouveaux logements, de rouvrir des écoles, des commerces ou des services.
A l'inverse, les territoires ayant sur-consommé leurs espaces naturels et agricoles se verraient « récompenser » avec l'octroi d'un droit supplémentaire à artificialiser, au détriment donc des territoires économes. Les grandes aires urbaines poursuivraient leur étalement, avec le risque croissant de destruction des corridors écologiques et des réservoirs de biodiversité qui les séparent encore aujourd'hui.
Une définition de la notion d'artificialisation à préciser
Ensuite, la notion d'artificialisation doit encore être clairement définie. Actuellement fondée sur une vision macro-spatiale, il est essentiel que cette définition, et les mesures associées pour observer les évolutions à venir, prennent en compte l'ensemble des terrains réellement artificialisés (non compris les jardins, parcs, etc…).
La profession alerte également quant au glissement de la notion d' « artificialisation nette des sols » vers celle d' « artificialisation » : loin de sanctuariser des sols (naturels, forestiers, agricoles…), la sémantique d'artificialisation nette introduit un juste équilibre entre l'artificialisation de certains sols et la renaturation d'espaces artificialisés, dans l'intérêt des villes et de leurs habitants. Un système de compensation à l'échelle du territoire observé doit pouvoir être ainsi mis en place.
Les propositions de l'OGE pour concilier rééquilibre des territoires et préservation de la nature
Acteurs majeurs de l'aménagement des territoires métropolitains et ultramarins, les géomètres-experts occupent un poste d'observation privilégié qui leur apporte une connaissance fine des enjeux locaux. C'est la raison pour laquelle l'OGE porte aujourd'hui quatre amendements dans le cadre du projet de loi Climat et Résilience :
- Le premier vise, animé d'une volonté de cohérence, à circonscrire la territorialisation de ces dispositions au périmètre de la loi SRU (communes dont la population est au moins égale à 3 500 habitants et qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants).
- Le deuxième propose d'instaurer un moratoire de 10 ans pour les territoires vertueux, c'est-à-dire les communes dont le rythme d'artificialisation sur les dix dernières années est inférieur de 50% au rythme d'artificialisation moyen observé dans l'intercommunalité, et à défaut à l'échelle du SCOT, sur la période de référence. Au terme de ce moratoire, un bilan des résultats sera établi et les outils de poursuite de l'effort de sobriété foncière seront réinterrogés et ajustés afin de récompenser ces territoires.
- Le troisième défend une nécessaire contextualisation des objectifs de réduction de l'artificialisation par la voie d'une étude de densification, afin de tenir compte des besoins et des enjeux auxquels sont confrontés les territoires ruraux. Conjuguée aux différents dispositifs mis en place par le Gouvernement pour endiguer le phénomène de désertification qui frappe certaines régions (Actions Cœur de Ville, Petites Villes de Demain…), cette approche ciblée permettra d'accompagner ces territoires dans leurs projets de développement.
- Enfin, l'Ordre des géomètres-experts milite pour que les communes ne soient pas systématiquement obligées d'urbaniser leurs friches disponibles alors que celles-ci pourraient accueillir des espaces verts et naturels. Le Gouvernement doit faire de la dédensification des espaces urbains un enjeu majeur de ses politiques d'aménagement : il en va de leur résilience.