L'ancien résiste
Après des années de hausse, les prix de l'immobilier ancien commencent à refluer, de 0,2% au premier trimestre par rapport à fin 2022, une baisse inédite depuis 2015.
Mais ce que les acquéreurs ont gagné sur le prix d'achat, ils l'ont perdu, et bien plus, dans le coût de leurs emprunts, les taux d'intérêt des crédits ayant quasiment triplé en 2022.
"L'ancien s'autorégule depuis la nuit des temps", souligne Charles Marinakis, président de Century 21 France. "Son premier niveau de contrariété, c'est évidemment la hausse des taux, qui est venue se télescoper avec une inflation du quotidien qui a réduit le reste à vivre", dit-il.
Selon les Notaires du Grand Paris, pour un appartement de 65 m2 en région parisienne acheté en juillet 2023, la mensualité de crédit coûtera 19% de plus qu'en janvier 2022.
Le neuf en panne
Premier maillon de la chaîne, le neuf est lui en chute libre.
Les permis de construire sont moins nombreux, avec ces derniers mois un rythme de 30 à 35.000 autorisations délivrées, nettement moins qu'avant la pandémie de Covid (autour de 40.000).
"Le neuf, c'est vraiment celui qui souffre le plus aujourd'hui, parce qu'il est contrarié dans tout son encours de production", observe Charles Marinakis.
Les promoteurs sont pris en étau entre la réduction du pouvoir d'achat des acquéreurs et la flambée des coûts de construction.
Avec la guerre en Ukraine, les matériaux ont subi une augmentation de 15% en 2022, selon la Fédération française du bâtiment (FFB).
En 2021, ils avaient déjà pris 15%, à cause de la pandémie qui avait provoqué des ruptures d'approvisionnement.
"Ça perturbe la logique des chantiers conçus dans le monde d'avant", vus comme rentables à l'époque et désormais trop chers, analyse Marc Oppenheim, directeur général de Crédit Agricole Immobilier.
S'ajoute la réglementation environnementale entrée en vigueur début 2022 (RE2020), qui oblige les bâtiments à être mieux isolés contre le froid et la chaleur, avec un surcoût de 7 à 8% pour les constructeurs, selon la FFB.
Les maires, déplorent aussi les promoteurs, sont plus réticents à construire, craignant l'adage "maire bâtisseur = maire battu".
La suppression de la taxe d'habitation, directement perçue par les communes, réduit aussi leurs incitations à accueillir de nouveaux habitants.
Les HLM chancellent
Le nombre de ménages en attente d'un logement social, 2,42 millions, n'a jamais été aussi élevé.
Largement financés par l'épargne via le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), les bailleurs sociaux ont vu, avec l'augmentation des taux, leurs dettes s'alourdir de 3,5 milliards d'euros en 2022, selon l'Union sociale pour l'habitat. Ce qui obère leur capacité à construire de nouveaux logements ou à rénover l'existant.
Ils dénoncent aussi de longue date les mesures d'économies qui leur ont été imposées sous la présidence d'Emmanuel Macron.
La location grippée
Les logements à louer se raréfient eux aussi.
Le marché locatif "est pris entre les feux croisés de l'absence de logements neufs déversés sur le marché et le ralentissement des congés donnés par les locataires, qui restent chez eux" faute de pouvoir devenir propriétaires, explique Charles Marinakis.
Deux phénomènes sont aussi accusés de réduire l'offre locative : les meublés touristiques type Airbnb, et l'interdiction progressive de louer les logements les plus énergivores.
Dans ce cas, "les propriétaires ont plutôt envie de vendre que de faire des travaux", constate Marc Oppenheim.
L'Etat fait ceinture
Les dépenses de l'Etat pour le logement baissent d'année en année. La part du PIB qui y est consacrée a été de 1,5% du PIB en 2021, un chiffre qui n'a jamais été aussi bas, dénonçait la Fondation Abbé Pierre dans son dernier rapport annuel.
Pour 2024, Bercy a prévenu que le logement serait particulièrement sollicité pour des économies, tout en laissant entrevoir la fin de la niche fiscale Pinel, soutien de la construction neuve.