"On en a beaucoup qui frappent à la porte", soulignait début février Edouard Denis, président du promoteur du même nom, lors d'une conférence de presse. "Il y a une volonté de remettre le résidentiel dans leurs investissements: cette année, ça va prendre de l'ampleur."
Le constat de M. Denis est partagé par d'autres promoteurs, parmi lesquels sa maison-mère, le géant immobilier Nexity, et son concurrent Kaufman & Broad qui constataient récemment, à l'occasion de leurs résultats pour 2018, le regain d'appétit des investisseurs dits institutionnels.
Certes, ce phénomène ne représente qu'une petite part du marché du logement: celui-ci est largement dominé par les particuliers, qui sont propriétaires de leur résidence ou qui achètent pour louer. Généralisé dans l'ancien, ce cas de figure est fréquent dans le neuf où les promoteurs réalisent la majeure partie de leurs ventes "au détail", c'est-à-dire logement par logement.
Ils font quand même une part conséquente de leurs opérations "en bloc", en vendant des immeubles entiers, mais cela se résume largement aux organismes HLM.
Or les investissements baissent chez les particuliers comme les bailleurs sociaux, selon les chiffres de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) pour les neuf premiers mois de 2018.
Dans le cas des particuliers, la Fédération met en cause la réduction d'aides fiscales, notamment le dispositif Pinel. Dans celui des bailleurs sociaux, elle évoque, plus prudemment, les économies budgétaires demandées par le gouvernement au monde HLM.
Dans ce contexte qui souligne la sensibilité du secteur aux politiques publiques, le retour des grands investisseurs apporte un peu d'air venu du privé, alors que celui-ci était massivement sorti du logement dans les années 1990.
Désormais, "il y a une réelle demande, extrêmement importante", a indiqué à l'AFP Chrystèle Villotte, spécialiste du logement au sein du cabinet immobilier Cushman & Wakefield.
"On devrait finir l'année 2018 autour de quatre ou cinq milliards euros investis dans la poche résidentielle en France: plus que le commerce et la logistique", détaille-t-elle. "Pendant très longtemps, avant 2016, on était aux alentours d'un milliard annuel."
Logements de la SNCF
Si le chiffre de 2018 a été gonflé par une vente massive, celle d'un portefeuille de 1,4 milliard d'euros de logements par la SNCF, Mme Villotte juge que le total des investissements se maintiendra cette année.
"On a vraiment une pluralité d'acteurs: les assureurs de tout temps ont été friands de résidentiel, mais on a maintenant les fonds français et étrangers", poursuit-elle, citant l'écossais Aberdeen.
Elle évoque plusieurs explications: l'essor des résidences étudiantes ou seniors, ainsi que le projet du grand Paris qui promet d'accroître l'attrait de multiples localités autour de la capitale.
Surtout, "le résidentiel, en termes de rentabilité, a l'une des meilleures performances par rapport aux bureaux ou au commerce", souligne Mme Villotte.
Cela n'a pas toujours été le cas: les investisseurs s'étaient massivement détournés vers les bureaux, où les loyers ont longtemps été très intéressants par rapport aux prix d'acquisition. Au fur et à mesure que ces derniers progressent, l'écart perd en intérêt.
Plus largement, Mme Villotte évoque une volonté de se tourner vers des actifs moins sensibles à la conjoncture économique qu'aux évolutions démographiques de long terme, donc plus prometteurs à terme.
"Les grands internationaux se disent +la démographie française des grandes villes est intéressante+", a renchéri auprès de l'AFP Vincent Mahé, secrétaire général de CDC Habitat. "Ils veulent une exposition au marché français."
Cette filiale immobilière de la Caisse des Dépôts, bras financier de l'Etat, joue un rôle important dans le mouvement en servant d'intermédiaire ou d'investisseur dans plusieurs opérations, dont celle de la SNCF.
Selon M. Mahé, qui évoque aussi l'intérêt nouveau de mutuelles françaises, le rôle d'un intermédiaire est essentiel: il s'agit notamment de rassurer des acteurs longtemps échaudés.
"Les investisseurs institutionnels français sont parfois inquiets à l'idée de redevenir des bailleurs parce que la loi est très protectrice pour le locataire (et) parce qu'il y a toujours un risque d'image", a-t-il noté.