Alors que sévit une grave crise du logement, le ministre du Logement Patrice Vergriete a présenté les contours de son plan de lutte contre l'habitat indigne.
Entre 400.000 à 420.000 logements du parc privé métropolitain ainsi que 100.000 en Outre-Mer sont aujourd'hui considérés comme potentiellement insalubres ou présentant des risques pour la sécurité de leurs habitants.
Lancé en 2018, un premier plan "Initiative Copropriétés" avait permis de débloquer plus de 960 millions d'euros pour requalifier 88.000 logements.
Cinq ans plus tard, force est de constater que "les dispositifs sur lesquels s'appuie ce plan sont beaucoup trop longs", a déclaré Patrice Vergriete à l'issue du Conseil des ministres.
Il faut ainsi compter selon lui "cinq à dix ans pour des plans de redressement de copropriété" et parfois "plus de vingt ans pour les copropriétés les plus importantes".
Le projet de loi intitulé pour "l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement", doit permettre de "faciliter les expropriations quand c'est nécessaire", mais aussi de "simplifier les procédures judiciaires et administratives (...) pour accélérer le travail sur les copropriétés dégradées", selon les mots du ministre.
Car "plus on tarde à intervenir sur une copropriété en difficulté, pire c'est à la sortie", a-t-il insisté.
Issu du rapport remis fin octobre par les maires de Saint-Denis Mathieu Hanotin (PS) et Mulhouse Michèle Lutz (LR), le projet de loi est déjà inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour la semaine du 22 janvier. Le gouvernement entend le faire adopter au premier semestre 2024.
"Agir plus tôt"
Concrètement, le texte prévoit la création d'une "nouvelle procédure d'expropriation des propriétaires de logements frappés par un arrêté de police (arrêté de péril ou d'insalubrité, ndlr), avant que la situation ne devienne irrémédiable, nécessitant alors la démolition de l'immeuble".
Afin de mieux outiller les communes contre l'arrivée de marchands de sommeil, il vise en outre à "faciliter et sécuriser" le recours au droit de préemption par les collectivités.
"Le but est de renforcer les capacités juridiques des acteurs de terrain pour agir", a commenté Mathieu Hanotin, saluant un texte "clairement au rendez-vous".
"Aujourd'hui on a des procédures d'expropriation qui sont possibles mais seulement à la toute fin de la dégradation de l'immeuble. Ce qu'on veut c'est pouvoir agir beaucoup plus tôt", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Quand vous expropriez des propriétaires avec un bien qui ne vaut plus rien, ils sont très faiblement indemnisés et cela génère des coûts de démolition et de reconstruction colossaux pour les communes", a-t-il ajouté.
Sur le volet de la prévention, le texte entend faciliter les travaux "en amont d'une dégradation définitive" pour anticiper "de plusieurs années le traitement des difficultés" et éviter "le cycle de dégradation inéluctable".
Il crée également un prêt collectif pour les copropriétés afin de faciliter l'accès au crédit pour des travaux.
Parmi les autres dispositions, le texte rend plus effectif le devoir d'alerte des syndics professionnels et introduit une obligation d'information des copropriétaires ou occupants d'un immeuble où un logement est concerné par des procédures de lutte contre l'habitat indigne.
Le second volet du projet de loi prévoit enfin des mesures visant à accélérer la construction de logements en zone tendue dans le cadre d'opérations dites "d'intérêt national", dotées d'un régime juridique particulier.
"C'est un projet de loi très technique, qui comporte des mesures allant plutôt dans le bon sens mais qui se limitent aux copropriétés alors que l'habitat indigne concerne aussi l'habitat individuel", a réagi Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
"L'enjeu principal face à l'habitat indigne n'est pas vraiment le législatif mais de donner des moyens opérationnels pour que les collectivités jouent leur rôle", estime M. Domergue.