Il analyse la manière dont les pouvoirs publics, État et collectivités territoriales, mettent en œuvre l'objectif national de développement des réseaux de chaleur dans un contexte de politiques d'économie d'énergie. Cet objectif vise à atteindre une production de chaleur renouvelable représentant 3,4 millions de tonnes d'équivalent pétrole en 2030[1].
Un développement insuffisant de la chaleur en réseau produite à partir d'énergies renouvelables
La Cour constate tout d'abord un développement insuffisant de la chaleur en réseau produite à partir d'énergies renouvelables par rapport à l'objectif que la France s'est fixé : multiplier par cinq entre 2012 et 2030 la quantité de chaleur et de froid renouvelables. Dans les cas de densité suffisante de bâtiments résidentiels ou tertiaires, le chauffage urbain présente en effet de nombreux avantages en terme énergétique. En France, le taux de pénétration de ces systèmes est en-deçà de la moyenne européenne. La consommation de chaleur renouvelable par les réseaux est passée de 0,68 à 1,21 Mtep[2] entre 2012 et 2019, en croissance de 10% par an, mais cette trajectoire reste insuffisante pour atteindre l'objectif fixé. Pour l'atteindre, la France doit accroitre son rythme de développement d'une part en augmentant la proportion d'énergies renouvelables approvisionnant les réseaux existants et d'autre part en développant de nouveaux réseaux.
[1] La tonne d'équivalent pétrole (tep) représente la quantité d'énergie contenue dans une tonne de pétrole brut, soit 41,868 gigajoules.
[2] Mtep : million de tonnes équivalent pétrole
Un service public dont la planification et le pilotage par les collectivités locales doivent être améliorés
La Cour relève ensuite que la planification et le pilotage de ce service public peuvent être largement améliorés. Elle recommande davantage d'implication des collectivités locales, qui sont les principales actrices du développement de ce service public industriel et commercial. En raison du poids des investissements nécessaires pour la création d'un réseau de chaleur, la majorité des réseaux de chaleur publics (80 %) sont exploités sous la forme d'une délégation de service public par des collectivités territoriales. La Cour relève dans son rapport plusieurs exemples où les contrôles des collectivités délégantes étaient lacunaires, souvent en raison de l'absence de ressources humaines et techniques adaptées. Ces lacunes doivent être comblées par un transfert de compétences adéquat à tous les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants.
Le besoin d'une meilleure information sur les données économiques du chauffage urbain
Pour affiner la gestion de ce service public par les collectivités locales et répondre aux insuffisances constatées, la collecte de données économiques sur le chauffage urbain doit être améliorée. Il conviendrait de faciliter l'accès à ces données utiles pour l'Etat et les collectivités territoriales, face aux différentes contraintes liées à la préservation des secrets industriels et commerciaux des exploitants de réseau qui les rendent peu accessibles (notamment les prix de vente de la chaleur). Une meilleure information des consommateurs sur les prix et la qualité du service public de chauffage urbain favoriserait également le développement de ces réseaux : il serait souhaitable que les collectivités rendent davantage accessibles ces informations essentielles pour éclairer les consommateurs sur leur choix de source d'alimentation.
Des mesures de soutien au développement du chauffage urbain pouvant être rationalisées et renforcées
Les actions sont aujourd'hui essentiellement portées par trois institutions publiques : le ministère de la transition énergétique, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Le total des moyens consacrés par ces institutions aux réseaux de chaleur reste modeste : 20 agents à temps plein pour un coût estimé à 1,5 M€ par an, auquel s'ajoute un 1,3 M€ pour le soutien à la recherche ou à des partenaires, soit un total de 2,8 M€. Le taux réduit de TVA (5,5%) sur les réseaux alimentés par des énergies renouvelables représente une dépense fiscale de 67 M€ par an. Si elle peut présenter un risque d'incompatibilité avec la réglementation européenne, cette mesure est cependant efficace et incitative pour le développement des énergies renouvelables.