En moyenne, 55.000 hectares de terres agricoles changent d'usage chaque année, utilisés pour l'habitat, les zones commerciales ou les infrastructures de transport, a indiqué Emmanuel Hyest, président de la FNSafer jeudi à Paris.
Soit l'équivalent de la surface agricole d'un département qui disparaît tous les cinq ans, a-t-il souligné.
"Il y a de plus en plus de prises de conscience qu'il faut absolument protéger le foncier agricole, mais beaucoup d'élus pensent encore que le développement passe par une consommation de terres agricoles et de la construction", a ajouté M. Hyest en rappelant que la France avait perdu "4 à 5 millions d'hectares de terres agricoles en 40 ans".
"Il faut imaginer un nouveau modèle de développement urbain, en utilisant des friches industrielles, commerciales ou d'habitat pour reconstruire, tout en arrêtant d'empiéter sur les terres agricoles", a-t-il ajouté.
Il s'agit d'un enjeu d'autonomie alimentaire, selon M. Hyest, qui a rappelé les propos d'Emmanuel Macron annonçant en février qu'il devrait y avoir "zéro artificialisation nette de sols agricoles" à l'avenir.
Au passage, le président de la FNSafer a estimé que les terres sur le projet d'aménagement commercial d'Europacity au nord de Paris et autour de celui-ci "doivent être protégées".
"Il y a suffisamment de zones économiques dans la région Ile-de-France", et les surfaces qui sont visées par le projet de méga-complexe sont "des terres agricoles de très bonne qualité".
Concernant la financiarisation croissante du marché des terres agricoles en France, elle est due au développement d'un "marché des parts de société" qui "devrait se développer à l'avenir", selon Loic Jegouzo, ingénieur au bureau d'études de la FNSafer à Paris.
"Il s'agit d'un marché non régulé de 1,1 milliard d'euros par an" a-t-il dit.
Le foncier agricole est de plus en plus propriété de personnes morales, qu'il s'agisse de sociétés agricoles d'exploitation ou de sociétés d'investisseurs extérieurs, selon le bilan de la FNSafer.
Dans le premier cas, il s'agit d'un phénomène vertueux pour favoriser notamment la transmission d'exploitations de parents à enfants. Dans le second cas, il s'agit d'accaparement de biens ruraux par des sociétés qui bénéficient ainsi de défiscalisations sans aucune transparence, selon les Safer.
Ce phénomène "accélère la concentration des terres agricoles" et il va s'accentuer à partir de 2020-2030, puiqu'un tiers des paysans doivent partir en retraite durant cette période, ce qui risque de provoquer un afflux de foncier sur le marché.
"Rénover la législation"
Contrairement à l'agriculture paysanne française qui s'est historiquement développée sur le modèle de la ferme familiale propriétaire de ses terres, "il y a une distance de plus en plus forte entre le capital et le travail" et une "diminution du nombre de chefs d'exploitation", selon les Safer.
M. Hyest a proposé des mesures à mettre en place dans le cadre de la future loi sur le foncier agricole, dont l'examen au Parlement pourrait commencer
avant fin 2019 selon lui.
"Il y a urgence à rénover la législation" a-t-il dit.
Il souhaite notamment que le foncier agricole "soit placé sous la protection de la Nation", c'est-à-dire que la puissance publique contrôle mieux, réduise ou supprime les commissions administratives de déclassement de zones agricoles en terres à bâtir.
Il souhaite un guichet unique pour réguler le marché, car aujourd'hui "seuls les plus riches ont accès à la terre ou à l'agrandissement". "Il faut un accès équitable".
Les Safer qui ont un droit historique de préemption des terres agricoles se retrouvent souvent contournées par le système des cessions de parts sociales, qui a permis notamment à des investisseurs chinois de mettre la main sur des terres à blé dans l'Indre et l'Allier. Le cédant a vendu 99% des parts, permettant d'éviter le recours de la Safer.
Enfin, les Safer imaginent aussi des outils de portage du terrain au service de l'installation de jeunes agriculteurs.
"Un des premiers problèmes du Brexit pour les Britanniques a été de se demander comment ils allaient s'alimenter quand ils se sont rendu compte qu'ils importaient 70% de leur alimentation. La possession de la terre par les agriculteurs est un problème d'autonomie alimentaire", a estimé M. Hyest.