Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait été saisi par plusieurs associations de défense de l'environnement qui refusent la bétonisation de 280 hectares de terres agricoles dans le Val-d'Oise, entre les aéroports de Roissy et du Bourget.
C'est là qu'Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan, et le conglomérat chinois Wanda veulent implanter Europacity sur 80 hectares: un parc de commerces et de loisirs qui entend attirer 31 millions de visiteurs (gratuits et payants) par an. S'il se maintenait, ce projet à 3,1 milliards d'euros constituerait le plus grand investissement privé en France depuis la construction de Disneyland Paris en 1992.
Pour la première fois depuis le début de la contestation, la justice administrative a donné raison aux opposants en annulant l'arrêté préfectoral du 21 septembre 2016 créant la zone d'aménagement concerté (ZAC) du triangle de Gonesse, portée par l'établissement public Grand Paris Aménagement.
Le tribunal a estimé que l'étude d'impact présentée au printemps 2016 lors de l'enquête publique sur la création de cette ZAC comportait des lacunes, "ainsi que l'avait d'ailleurs relevé l'Autorité environnementale", écrit-il dans un communiqué.
Dans son jugement, le tribunal souligne notamment que les analyses étaient "très insuffisantes" concernant "la question des émissions de CO2 induites par les déplacements de touristes (...) eu égard à la proximité de l'aéroport et dans la perspective de la création d'Europacity".
Considérant "l'importance de l'impact potentiel sur l'environnement", souligne encore le tribunal, "les insuffisances de l'étude d'impact ont nécessairement, par leur importance et leur cumul, été de nature à nuire à l'information complète de la population et à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative".
"Pied dans la tombe" ?
La préfecture du Val-d'Oise, Grand Paris Aménagement et Europacity ont tous déclaré à l'AFP "prendre acte" de ce jugement.
"Les services de l'Etat analysent cette décision ainsi que les suites à donner", a indiqué la préfecture.
Cette "étape administrative", a tweeté Europacité, "n'impacte pas la volonté des actionnaires de réaliser ce projet d'intérêt national créateur de plus de 10.000 emplois".
Son directeur du développement, David Lebon, a précisé à l'AFP que cela ne portait "pas un coup d'arrêt" à leurs ambitions.
Les promoteurs avaient déjà intégré depuis fin février qu'Europacity ne pourrait pas ouvrir comme espéré en 2024, quand Paris accueillera les jeux Olympiques.
Alors qu'ils ont toujours lié le projet à la présence d'une gare du Grand Paris Express desservant le triangle de Gonesse - gage d'un accès au site respectueux de l'environnement - le gouvernement a décidé d'en reporter la construction de trois ans, à 2027.
Pour David Lebon, ce nouveau calendrier "laisse du temps pour améliorer les choses".
Au Conseil régional d'Ile-de-France, le groupe Alternative écologiste et sociale a estimé dans un communiqué qu'Europacity avait "un pied dans la tombe".
Les élus du groupe MoDem ont salué quant à eux "une décision conforme aux impératifs environnementaux d'aujourd'hui", tandis que le groupe Front de gauche y voyait une "victoire citoyenne".
Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, s'est félicitée d'"une première belle victoire" tout en appelant à "rester vigilant".
"Loin des outrances de certains", la décision du tribunal n'est "qu'un contretemps inhérent à ce type de projet", a affirmé la présidente LR du Conseil départemental du Val-d'Oise, Marie-Christine Cavecchi. "Plus que jamais, nous nous devons de soutenir ce projet", a-t-elle ajouté.
Egalement soutenu par le maire socialiste de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, l'aménagement ce ce "triangle" de l'est déshérité du Val-d'Oise illustre la tension entre préservation des terres agricoles et développement économique.