Activité bâtiment : la crise s’installe
Le plongeon du logement neuf ne connaît pas de trêve. En glissement annuel sur cinq mois à fin mai, les mises en chantier chutent encore de 13,9% et tombent en rythme annuel un peu au-dessus de 260.000 pour l’ensemble de 2024, niveau plus faible que le point bas de la crise des années 1990 (270.000 logements). Et le mouvement va s’amplifier, puisque les permis abandonnent 10,7% sur la même période, que les ventes de maisons individuelles en diffus s’effondrent de 29,9% et que celles des promoteurs se replient de 11,4% en glissement annuel sur le premier trimestre.
Quant au non résidentiel neuf, il modère son repli alors qu’il atteint un point historiquement bas à un peu plus de 21 millions de m2 commencés. De fait, les surfaces mises en chantier et autorisées ne reculent « plus que » de 7,7% et 3,7% sur les cinq premiers mois de 2024 rapportés à la même période de 2023. Il faut d’ailleurs signaler que la reprise de la commande publique s’affirmait, avec notamment une hausse de 4,5% des surfaces commencées de bâtiments administratifs sur trois mois à fin mai... avant les législatives. Il faudra le confirmer après.
Sur le segment de l’amélioration-entretien, la réforme mal calibrée et trop brutale de MaPrimeRénov’ laissera des traces, malgré sa rapide révision. De ce fait, malgré la bonne tenue du non résidentiel, l’activité en rénovation n’a progressé que de 1,7% au premier trimestre 2024 par rapport au premier trimestre 2023, hors effet prix. De plus, les remontées de terrain ne laissent guère espérer de rattrapage au deuxième.
Fort logiquement dans ce contexte, l’emploi décroche. Entre les premiers trimestres 2023 et 2024, le bâtiment a perdu environ 25.000 postes, dont 16.000 salariés. Et tout laisse penser que le mouvement s’est amplifié depuis.
D’une crise à l’autre : le bâtiment pénalise le PIB
Pour l’heure, l’ensemble de ces éléments confirment malheureusement le « scénario du pire » de la FFB, soit une chute d’activité de 21 milliards d’euros en volume entre 2022 et 2025, accompagnée de la perte de 150.000 emplois dans le secteur et de l’ordre de 300.000 dans la filière.
Un gouvernement volontaire pourrait toutefois éviter cela, sous réserve d’agir vite. De fait, après une vive accélération au quatrième trimestre 2023, le nombre de défaillances d’entreprises du bâtiment s’est stabilisé sur un haut plateau, à un peu moins de 1.200 unités par mois en moyenne sur le premier semestre 2024, niveau proche de ce qu’on observait en 2016. En l’absence de reprise rapide des marchés, les défaillances repartiront très probablement à la hausse et le secteur n’aura plus les capacités de répondre à un stimulus.
Cette relance s’avère d’autant plus importante que, comme le montrent les Comptes trimestriels de l’Insee, deux agrégats pénalisent l’évolution du PIB en France : l’investissement en construction des ménages d’une part, des entreprises non financières de l’autre. En d’autres termes, au-delà du risque social, sans redémarrage du bâtiment, la croissance française se trouve sérieusement compromise.
Dix mesures pour relancer vite le secteur
Afin de permettre une reprise rapide et solide, la FFB a diffusé aux candidats des législatives dix propositions.
Les cinq premières concernent le marché. Il s’agit :
- du rétablissement d’un Prêt à Taux Zéro (PTZ) universel ;
- du rétablissement d’un dispositif de soutien à l’investissement locatif ;
- de la stabilisation de MaPrimeRénov’ au-delà du 1er janvier 2025 ;
- de l’adaptation de l’objectif « ZAN » aux réalités des territoires ;
- de l’arrêt de la surenchère réglementaire, avec notamment un décalage des étapes à venir de la RE2020.
Les trois suivantes visent à permettre une concurrence plus loyale et à faciliter la vie des chantiers. Il s’agit :
- de la limitation de la sous-traitance en cascade ;
- de la révision du montant de la franchise de TVA ;
- de la réforme du dispositif « REP », alors que la FFB vient d’obtenir une première avancée pour le 1er janvier 2025 avec la création d’un outil de cartographie commun au trois éco-organismes, la possibilité de déposer des déchets triés de moins d’une tonne sans déclaration préalable et celle de faire reprendre des déchets triés en entreprise dans des contenants à partir de 8 m3, sans fréquence d’enlèvement imposée.
Enfin, les deux dernières mesures assurent des conditions sociales favorables à l’ensemble des entreprises et des salariés. Il convient donc de maintenir :
- une politique de soutien à l’apprentissage ;
- des règles en matière de représentativité patronale propices à un dialogue social équilibré.
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