En comparant les besoins des différentes filières de la distribution et l'offre des foncières et promoteurs, l'étude met le doigt sur l'inadéquation croissante entre le modèle économique de l'immobilier commercial et l'évolution attendue par les maîtres d'usage (commerçants, consommateurs). Un décalage propice à une transformation profonde du modèle.
Une bulle financière
L'immobilier commercial est aujourd'hui caractérisé par un décalage entre offre et demande : les taux d'intérêt quasiment nuls ont favorisé la course aux investissements, lesquels ont ensuite été valorisés par une inflation continue des loyers, supérieure à celle des ventes en commerce physique. En découlent des friches dans certaines agglomérations, et une surcapacité de superficie commerciale de l'ordre de 12% à échelle nationale, selon les chiffres de l'étude. Pourtant, les programmes de nouveaux centres commerciaux continuent de se développer, même si à un rythme nettement moindre qu'auparavant. Or, l'analyse des perspectives des différentes filières de la distribution réalisée par Les Echos Etudes, parvient à la conclusion que la surcapacité à l'horizon 2023 continuera de croître, de l'ordre de 30% supplémentaires. Entre autres parce que le e-commerce dispose encore d'un fort potentiel de progression dans de nombreuses filières, et que la Restauration, sur laquelle repose une grande part des espoirs des investisseurs immobiliers, est elle-même déjà proche de la surcapacité.
Retailtainment, proximité, porosité… des mutations nécessaires mais pas suffisantes
Tenant compte du nouveau contexte urbanistique et sociologique, ainsi que des formidables opportunités qu'apportent les technologies pour favoriser l'expérienciel en point de vente (réalité virtuelle et augmentée, connexion des objets, big data…), les enseignes et les acteurs de l'immobilier ont amorcé une mutation, consistant en grande partie à « aller vers » le chaland (proximité, transparence des bâtiments, implantations dans des lieux de mobilité type gares et aéroports, animations des points de vente et centres commerciaux, porosité au sein d'un même bâtiment entre bureaux, coworking, commerces, hôtellerie, restauration…) au lieu de « faire venir ». Souvent présentée comme le remède aux enjeux du commerce traditionnel, cette évolution, certes nécessaire, ne résout pas la crise profonde du commerce traditionnel.
Plus flexible, modulaire, collaboratif… c'est le modèle économique dans son ensemble qu'il faut revoir
En effet, les commerçants n'ont plus la visibilité suffisante pour des engagements de longue durée et des loyers fixes en inflation continue. Réciproquement, certains bailleurs, notamment les centres commerciaux, ont eux aussi besoin de réactivité pour anticiper l'évolution des besoins, ce que le cadre actuel d'un bail commercial ne permet pas. Au global, le modèle économique actuel de l'immobilier commercial, très « figé », est dépassé. Ainsi, Les Echos Etudes considèrent, par exemple, que l'éclosion des boutiques éphémères est plus qu'un épiphénomène marketing : le reflet d'un besoin de modèle immobilier plus souple, plus agile, quel que soit le format de point de vente. L'étude souligne également que la plupart des filières confrontées à une forte inadéquation entre offre et demande ont connu des transformations profondes, souvent sous la forme de nouveaux entrants issus de l'économie collaborative. Dans l'immobilier, ce fut le cas, par exemple, de l'immobilier de bureaux (Coworking), de l'immobilier résidentiel (Proptech, Coliving)… Seul l'immobilier de commerces n'a pas encore fait sa révolution : une situation difficilement tenable dans un contexte où les enseignes ont besoin de davantage de flexibilité économique, de modularité des espaces, et où les projets doivent mieux intégrer en amont la diversité des attentes des maîtres d'usage (chalands, commerçants). Les Echos Etudes dessinent des pistes de ce que pourrait être l'immobilier commercial de demain : une mutation profonde nécessaire pour enrayer l'accroissement de surcapacité.