"Cela me paraît difficile aujourd'hui, hélas, de donner une zone d'atterrissage: (...) je ne crois pas aujourd'hui pouvoir dire valablement qu'on est dans un monde qui va être moins incertain", a reconnu mercredi auprès de l'AFP le patron d'URW, Jean-Marie Tritant, à l'occasion de la publication des résultats semestriels du groupe.
Ces derniers sont mauvais, sans surprise pour l'un des principaux représentants mondiaux du monde des centres commerciaux, un secteur plombé par la crise du Covid-19 et les multiples confinements ou restrictions décrétés à travers le monde depuis le début 2020.
Au premier semestre 2021, URW, qui détient près d'une centaine de centres en Europe et aux États-Unis, a encore vu son chiffre d'affaires plonger de 26,2% à 785 millions d'euros. Son bénéfice net récurrent, indicateur de référence du secteur immobilier, a chuté de presque 30% à 472 millions.
A cause des fermetures imposées par les autorités, notamment en France où des restrictions ont frappé au printemps les grands centres commerciaux, les enseignes locataires n'ont souvent pas pu payer leurs loyers. Au premier semestre, URW n'a encaissé que trois quarts des montants dus.
"Comparé à un semestre qu'on aurait pu penser être le pire de tous", c'est-à-dire le premier semestre 2020 avec des confinements très stricts comme en France, "on est dans une situation moins bonne, parce qu'on a été fermé plus longtemps et quand on était ouvert, on était ouvert avec plus de restrictions", a regretté M. Tritant.
La situation, pourtant, s'améliore: tous les centres du groupe ont rouvert et, en général, retrouvé une fréquentation proche d'avant la crise, mais URW ne veut donner aucune prévision pour cette année.
Pas seul à souffrir
"Sincèrement, on ne sait pas dans quelle mesure le niveau de restrictions ne va pas être plus élevé dans quelques jours et dans quelques semaines", a prévenu le patron d'URW, qui craint de nouvelles mesures face à l'émergence de souches plus contagieuses du coronavirus responsable de la pandémie, comme le variant Delta.
La France, notamment, va mettre en place un passe sanitaire, même s'il reviendra finalement aux préfets de décider ou non de l'imposer pour les grands centres commerciaux, à supposer que cette mesure soit validée par le Conseil constitutionnel début août.
URW n'est pas seul à souffrir. Son principal concurrent, Klépierre - au profil proche mais sans présence aux États-Unis - avait annoncé mardi une chute de 45% de son bénéfice net courant au premier semestre, à 248,1 millions d'euros.
Mercialys, foncière française spécialiste des centres commerciaux, voit quant à elle la valeur de son patrimoine reculer de 2,2% sur six mois, à 3,2 milliards d'euros, et son résultat net chuter de 4,5%, par rapport à la même période en 2020.
Mais URW fait aussi face à des problèmes bien spécifiques. Il sort d'un violent conflit à sa tête l'an dernier, à l'issue duquel le prédécesseur de M. Tritant, Christophe Cuvillier, a été obligé de partir.
Les frondeurs, menés par l'ancien patron Léon Bressler et par l'homme d'affaires Xavier Niel, demandaient à URW de revenir sur le rachat en 2018 des centres américains de Westfield, une opération gigantesque - une vingtaine de milliards d'euros - qui n'a jamais convaincu les marchés.
Ils ont gagné. M. Bressler a pris la présidence du conseil de surveillance qui a nommé dans la foulée M. Tritant, un pilier du groupe qui s'occupait justement du marché américain.
Mais les cessions massives se font pour l'heure attendre aux Etats-Unis, à part quelques petits centres, bien que le groupe promette une diminution "radicale" de sa présence sur place, donc de ses principaux établissements.
"On ne veut pas (s'en) débarrasser pour un euro symbolique, ça a quand même une vraie valeur, une vraie qualité", a expliqué M. Tritant, qui table sur de vastes opérations en 2022, une fois le marché redevenu plus porteur.
En attendant, le groupe se serre déjà la ceinture: il a cédé de nombreux actifs en Europe, notamment dans sa petite activité de bureaux, ce qui a aussi pesé sur ses comptes en le privant de loyers.