L'annulation d'un immense projet de ferme éolienne offshore aux Etats-Unis fin 2023 assorti de dépréciations de 3,8 milliards d'euros a mis au jour les difficultés du groupe danois dans sa mue.
"Il y a quelques années, ils avaient l'ambition d'être un acteur vert majeur, mais aujourd'hui on ne les entend plus dire qu'ils veulent changer le monde", résume auprès de l'AFP Jakob Martini, du quotidien Finans, qui suit l'entreprise depuis plusieurs années. Ørsted a ainsi renoncé à un projet de carburant vert.
"Ils veulent simplement revenir à leur activité principale, l'éolien en mer, et gagner de l'argent grâce à ça", ajoute-t-il.
Ruptures dans les chaînes d'approvisionnement, hausse des prix des matières premières et des taux d'intérêt, baisse de ceux de l'électricité, incertitudes politiques: rien ne semble épargner Ørsted, qui a prié ses actionnaires de se serrer la ceinture en suspendant les dividendes jusqu'à l'exercice 2026.
Longtemps pourtant, tout a souri au Danois, passé en moins de dix ans -de 2010 à 2019- d'une production tirée essentiellement des énergies fossiles à 86% d'énergies renouvelables.
"Ils ont gagné des projets qui étaient très créateurs de valeur. Avec le Covid, l'accélération de la transition énergétique, les taux d'intérêt à 0 et l'élection de Biden, ils ont bénéficié d'une bulle" favorable, explique Tancrède Fulop, analyste chez Morningstar.
Mais "aux Etats-Unis, qui est un nouveau marché avec donc plus de risque, ils ont peut-être eu les yeux plus gros que le ventre", estime-t-il.
En outre, "ils ont, dans une certaine mesure, manqué de prévoyance en faisant des offres (...) sans se couvrir contre les taux d'intérêt élevés, ce qui les a placés dans une situation très risquée", enchérit M. Martini.
Outre-Atlantique, Ørsted, premier groupe à avoir investi massivement dans l'éolien en mer, avait en effet remporté des projets à prix fixes dans un environnement de taux bas qui sont devenus non-rentables sous l'effet combiné de la hausse des coûts de construction et des taux d'intérêt.
Réduire la voilure
La situation s'est complexifiée avec l'accumulation de retards et "il a fallu réduire la voilure", note M. Fulop.
En renonçant aux projets Ocean Wind 1 et 2, deux fermes éoliennes qui devaient être installées au large du New Jersey (nord-est), le groupe a été aussi contraint de rembourser ses fournisseurs.
"Cela a été des coups d'annulation colossaux. Cela les a complètement plombés", constate M. Fulop. Désormais, l'heure est à la prudence, confortée par le prochain retour au pouvoir de Donald Trump, pourfendeur des énergies renouvelables.
"Ce que Trump déteste le plus, c'est l'éolien en mer mais les deux projets dans lesquels Orsted est impliqué, Revolution Wind et Sunrise Wind, ont eu leur autorisation fédérale, donc Trump ne peut pas les bloquer", note M. Fulop.
Au lendemain de sa réélection, le titre Ørsted, qui a perdu 70% de sa valeur depuis fin 2021, a chuté de près de 12,8%.
"Il y a beaucoup d'inquiétudes liées à cette élection alors qu'Ørsted ne s'est toujours pas remis des blessures de 2023. Ca ira mieux quand Trump sera aux commandes, on saura ce qu'il veut faire", estime Jacob Petersen, un analyste de Sydbank.
Lueur d'espoir dans ce tableau, selon les experts, l'entrée au capital du groupe norvégien Equinor, désormais son deuxième actionnaire avec 10% du capital, après l'Etat danois.
"C'est une bénédiction, un signe de confiance", considère M. Petersen.
"Ils ont acheté avant les élections américaines, ils pensent que ce n'est pas un sujet donc c'est plutôt positif", abonde M. Fulop.
En outre, Ørsted renfloue progressivement ses caisses. Il vient de vendre à Cathay la moitié du parc éolien offshore Changhua 4 pour quelque 1,5 milliard d'euros.
D'autant que malgré les difficultés actuelles, l'éolien devrait avoir de beaux jours devant lui. Selon le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AEI), l'expansion du secteur devrait être doubler entre 2024 et 2030 par rapport aux six années précédentes.
"Les technologies propres ont continué à se développer pendant la dernière présidence Trump, et nous sommes convaincus qu'elles continueront à se développer (...) parce qu'elles sont moins chères, locales et qu'elles favorisent la sécurité énergétique", estime Kingsmill Bond, spécialiste énergie du Rocky Mountain Institute.